Cette affaire actuelle des "caricatures de Mahomet" n'est qu'un épisode dans l'histoire toujours recommencée de la liberté de la presse et, plus largement, de la liberté d'expression.
Cette liberté, déjà reconnue en France dès la "Déclaration des Droits de l'homme" (1789), a fait l'objet de la "Déclaration universelle des Droits de l'homme", stipulant (article 19) :
"Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit".
Ce texte est clair et constitue un droit imprescriptible ne donnant lieu à aucune discussion. Malheureusement, il n'est pas reconnu ou il est oublié par un certain nombre de pays, notamment - mais pas seulement - par des pays musulmans plaçant le respect de (leur) Dieu au dessus de tout autre considération.
Certes, la liberté d'expression, dans la mesure où elle peut apparaître comme un mise en cause des autorités en place ou des usages sociaux ou religieux, a toujours été la plus difficile à respecter : en France même, Flaubert est jugé en Correctionnelle pour l'immoralité de Madame Bovary (1857), et Zola est condamné à 1 an de prison + une amende pour son article "J'accuse" dans le journal L'Aurore (13 janvier 1898)... Et on peut aussi rappeler les mesures répressives du Régime de Vichy (1940-1944)... Mais cette fois, à l'instar d'affaires précédentes comme les "Versets sataniques" de Rushdie ou le film de Scorcese "La dernière tentation du Christ", il s'agit d'un problème international mettant en cause la liberté d'expression dans le monde et on peut donc s'interroger sur les conditions de son utilisation.
La liberté d'expression est-elle sans limite pour celui qui s'exprime ? Certainement pas... Un aphorisme célèbre dit que "la liberté de chacun s'arrête où commence la liberté des autres", mais...la limite n'est pour autant pas claire... Alors on peut faire appel au "bon sens", mais comme le "bon sens" - n'en déplaise à Descartes - n'est pas "la chose au monde la mieux partagée", on n'est pas plus avancé !... Faute de mieux, on peut s'arrêter à la notion de "réserve", consistant à savoir mesurer soi-même, en fonction de ses interlocuteurs, "quand" on risque de blesser les autres...
Inversement, ceux qui sont les destinataires de cette liberté d'expression ne doivent pas considérer qu'ils sont au-dessus de toute critique ou de moquerie, et doivent donc pratiquer la "tolérance"... La réaction des autres et éventuellement leur dérision peuvent être l'occasion de ne pas se prendre trop au sérieux... Et si, dans certains cas, la critique est injustifiée et même cruelle, il suffit d'y opposer l'indifférence ou le mépris... C'est d'ailleurs l'attitude la plus fréquente chez les juifs - pourtant cible favorite à travers l'histoire - et chez la plupart des chrétiens - en raison des conseils de modération de l'Eglise (exemple récent des caricatures concernant Jean-Paul II à propos de son refus de l'IVG)...
Alors, même si on peut concéder aux musulmans que des caricatures de Mahomet n'étaient ni opportunes, ni d'ailleurs du meilleur goût, compte tenu de l'imprégnation très forte de l'Islam dans leur société et leurs consciences, on peut en contrepartie souhaiter qu'ils apprennent - ce que font certains d'entre eux - ce qu'est la tolérance... ne serait-ce qu'en application des vertus morales prônées dans le Coran... Après tout, Mahomet n'a jamais condamné le rire...