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22 novembre 2006 3 22 /11 /novembre /2006 17:54

    

   L'Evangile selon Judas n'est pas une découverte récente, puisque ce texte écrit au milieu du 2ème siècle était déjà connu par la réfutation qu'en avait faite alors l'Evêque Irénée de Lyon dans son livre "Contre les hérésies"... En fait, il a été "re-découvert" dans le Codex trouvé à Dag Hammadi en Egypte vers 1945, et il n'avait alors intéressé que des exégètes. Il est vrai qu'à l'époque les "versions non autorisées de l'Ecriture" étaient mises à "l'Index" par la Congrégation pontificale, et que l'opinion, encore profondément influencée par l'Eglise, manifestait peu de curiosité pour les textes dits "apocryphes"...

 

   Tel n'est plus le cas actuellement... Les progrès de l'historiographie biblique, encouragés par de nouvelles découvertes - notamment les Manuscrits de la Mer Morte trouvés à Qumran - ont suscité l'intérêt d'un public de plus en plus sollicité par les "médias", au point de donner lieu à des surenchères : ainsi le Codex de Dag Hammadi, après maintes tribulations, fut estimé à 3 millions de dollars en 1983 avant d'être conservé dans un musée de Genève, où l'entreprise américaine National Géographic Society obtint en 2005 un contrat d'exclusivité pour "l'exploitation intellectuelle" de l'Evangile selon Judas... Ce n'est donc pas un hasard si divers livres ont été écrits et des dossiers ont été réalisés par diverses revues en 2006 (Cf Bibliographie en annexe) sur ce sujet remettant en cause une tradition millénaire...

   En l'occurence, pour comprendre l'originalité de l'Evangile selon Judas, il faut rappeler (Cf mon 1er article du 1er janvier 2006) qu'il a été rédigé à une époque où "l'Eglise" n'avait pas encore achevé sa mise en place et assuré sa suprématie... et où, par conséquent, coexistaient de nombreux courants plus ou moins liés à des communautés témoignant de façon souvent différente de la "Bonne Nouvelle", c'est-à-dire de l'Evangile prêché par Jésus... Et si, finalement, 4 Evangiles dits "canoniques" ont été reconnus par l'Eglise seulement au 3ème siècle, en fait il y en eut au moins une quinzaine, et, parmi eux, l'Evangile de Thomas, l'Evangile de Marie (Madeleine...), l'Evangile de Philippe, ...et l'Evangile dit de Judas, celui-ci étant particulièrement représentatif du courant "gnostique" dit "caïnite" caractérisé par la croyance en la possibilité d'un "accès mystique" de l'homme vers le "divin"...

   Néanmoins, même si la "spiritualité" connaît actuellement un renouveau important, ce n'est pas le motif essentiel de l'intérêt porté à l'Evangile de Judas... La vraie raison est qu'il remet en cause l'idée ancrée par l'Eglise depuis presque 2000 ans... que Judas a été un "traître" vis-à-vis de Jésus, au point de devenir le "prototype de la trahison" même en dehors de l'Eglise... Le texte affirme au contraire que Judas n'a fait... qu'obéir à Jésus attendant de lui qu'il l'aide à réaliser son destin qui était d'abandonner son enveloppe charnelle pour retrouver sa "divinité"... Et on doit reconnaître que l'Evangile de Jean (XIII-27) prête à Jésus les paroles : "Ce que tu as à faire, fais-le vite"... Bien entendu, Judas n'est pas l'auteur de "son" Evangile, à fortiori si, conformément aux Evangiles canoniques, il s'est suicidé pendant la Passion de Jésus... Le texte a seulement été mis sous son "égide", conformément à une tradition des communautés de l'époque ayant mis par écrit les témoignages oraux de la prédication de Jésus en l'attribuant à des disciples jugés "charismatiques"...

   Finalement, même si son "existence" n'a jamais été contestée, le personnage de Judas reste dans l'ombre, comme d'ailleurs la plupart des 12 "apôtres", dont le nombre est surtout une "récurrence" des 12 tribus d'Israël... Il ne sort de l'ombre que pour "jouer un rôle" dans l'arrestation de Jésus, mais ce "rôle", pris entre la "raison"et la "foi", est ambigu... et le restera... au bénéfice du doute...

Bibliographie :

- James M. Robinson (Amér.) Les secrets de Juda  - Histoire de l'apôtre incompris et de son Evangile - Ed. Michel Lafon Août 2006

- Revue Sciences et Avenir n° 707  Janvier 2006 L'Evangile selon Juda - Découverte d'un manuscrit exceptionnel - Le disciple maudit réhabilité ?

- Revue National Géographic France n° 80 Mai 2006 Document exclusif : Jésus a-t-il été trahi ? Les révélations de l'Evangile de Juda

- Revue Religions et Histoire n° 11 Novembre-Décembre 2006 L'Evangile de Juda - Les secrets révélés dans un manuscrit - Comment est née l'image d'un traître ?

- Revue L'Histoire n° 315 Décembre 2006 L'Affaire Judas - Révélation ou mystification ?

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commentaires

J
Comme toujours, vos articles traitant des questions religieuses m'apportent un éclairage d'une très grande utilité. Les historiens doivent, bien entendu, poursuivre leurs recherches afin que se dégage la matérialité des faits d'une part, leur raisonnable interprétation temporelle d'autre part. La réflexion spirituelle peut, elle, se poursuivre sans aucun dommage dès lors qu'elle se libère des rigidités nées du temporel. Je veux dire par là que si Jésus est le fils de Dieu, les papes, paraît-il infaillibles, ne sont pas des fils de Dieu et n'ont d'ailleurs JAMAIS prétendus l'être.D'un point de vue "temporel", je suis, moi, profondément convaincu que l'être humain a besoin de dépassement "spirituel". C'est peut-être ça, LE MESSAGE DIVIN?
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D
Maiiiiiiis; -) ! Je n\\\'ai surtout jamais dit qu\\\'il ne fallait pas se poser des questions. Bien au contraire. Je me suis sans doute exprimée de façon lapidaire. Aucune question ne peut obtenir de réponse sans une réflexion, et ici, par une méditation importante. Nous sommes dans le domaine de la métaphysique, et celle-ci demande une énergie importante, pour être en premier, abordée, puis ensuite interprétée, voire critiquée et finalement devenir une évidence qui engendrera la foi.  Je voulais dire que celui qui cherche en lui par le biais de la méditation, se rapproche naturellement de sa divinité. Chacun emprunte le chemin qu\\\'il veut. Mais, si la vérité est dans les enseignements prophétiques, alors cette démarche doit être, en soi, et  avec soi même.
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D
Hum !... J'ai du mal à vous suivre... Certes, un théologien a pu dire qu'il enviait la foi du charbonnier, parce que celui-ci ne se posait pas de question... Mais on ne peut pas empêcher l'homme de chercher à "comprendre", même si la solution dépasse son entendement...
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D
A partir du moment où l\\\'homme intervient en fonction des événements et du cours de l\\\'histoire, les textes sacrés ou apocryphes perdent toute authenticité. L\\\'enseignement du Christ n\\\'a pas besoin d\\\' être expliqué, débattu par des exégètes, des croyants et non croyants; il doit être vécu en soi. Tout prophète enseigne cette libération par l\\\'esprit et non, en suivant un maître. Les symboles et les métaphores sont les clefs pour celui qui veut décrypter dans les livres" le message divin". Le parcours christique, conduit celui qui cherche, effectivement, à retrouver sa divinité perdue,  qui est toujours présente dans les abysses de nos illusions.
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