S'il est bien deux pays au monde qui n'ont pas cessé d'avoir des relations - bonnes ou mauvaises - ce sont la France et l'Allemagne ...C'est d'abord une question de géographie, puisqu'ils sont situés l'un et l'autre au nord-ouest du continent européen de part et d'autre de la zone du Rhin moyen ...Mais c'est surtout une question d'histoire : du côté occidental, la France qui tient son nom de l'occupation de l'ancienne Gaule romaine à partir du 5ème siècle par les Francs, peuplade ...germanique venue du côté oriental ...Et de ce côté oriental, l'Allemagne, ainsi appelée en souvenir d'une autre peuplade germanique, les Alamans, se substituant ainsi à l'appellation de "Germanie" donnée par les Romains ...Appellation qui se retrouvera plus tard dans le "Saint Empire Romain Germanique", héritier de l'Empire du souverain franc Charlemagne, dont la capitale était Aix-la -Chapelle, près de Cologne, dans la Rhénanie ... Et, durant des siècles, les deux "entités" historiques s'opposeront , les "Capétiens" contre les "Hohenstaufen", puis les "Habsbourgs", et ensuite la "France" contre la "Maison d'Autriche" - en particulier avec les guerres menées par Louis XIV - et plus tard l'Empire de Napoléon contre la "Sainte-Alliance", ...avant que la France ne devienne l'adversaire privilégié et le champ de bataille principal des Guerres de 1870-71, 1914-18 et 1939-45 ...Et tout cela pour aboutir enfin à une réconciliation au sein d'une union d'abord économique, puis politique, de l'Europe, marquée par les rencontres successives, à partir de 1958, de De Gaulle et Adenauer, Pompidou et Brandt, Giscard d'Estaing et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Schroeder, et Sarkozy et Angela Merkel, celle-ci jugée tellement solide et efficace qu'elle a même donné lieu au terme de "Merkozy" pour souligner la prédominance du "couple franco-allemand" en Europe (*) ...
Réconciliation définitive ?...On pouvait le penser, et s'en féliciter au regard du passé, depuis plus d'un demi-siècle ...Mais voilà ...On parle maintenant, depuis l'élection de François Hollande à la Présidence de la République Française, d'un "affrontement démocratique" ...Certes, l'affrontement n'est pas la guerre - loin de là - mais c'est tout de même une brouille sérieuse, et il est nécessaire d'en connaître les causes :
- La 1ère cause peut paraître dérisoire ...François Fillon, ancien Premier Ministre de Nicolas Sarkozy, est bien placé pour savoir que François Hollande en veut à Angela Merkel de ne pas l'avoir reçu quand il faisait campagne ...Vexation d'amour propre qui devrait pourtant être oubliée au nom de la "raison d'Etat" quand on est devenu Président...Et les choses ne risquent pas de s'arranger s'il est vrai que, maintenant, comme Président socialiste, il va soutenir le concurrent SPD d'Angela Merkel aux prochaines élections allemandes de septembre 2013...
- La 2ème cause est plus importante, car elle résulte d'un désaccord sur les problèmes économiques issus de la crise de 2007 ...Angela Merkel estime que la solution est dans une "cure d'austérité" qui devrait permettre une réduction des déficits et par conséquent le retour progressif de la croissance porteuse de recul de chômage, et elle ne manque pas de courage car les sacrifices éventuels en matière de partage du travail et de blocage de salaires ne peuvent pas être populaires, même si le SPD se montre plus compréhensif que le Parti Socialiste en France ...Car celui-ci soutient la thèse de François Hollande qui juge, lui, que la croissance est prioritaire et apportera la solution à tous les maux, en permettant "l'inversion de la courbe du chômage" ...Jugement qui serait valable si la croissance remontait au moins à 2% ...mais celle-ci stagne autour de 0,1 - 0,2 %, ce qui n'empêche pas François Hollande d'engager des dépenses comme la suppression de la RGPP ou le recrutement de nouveaux fonctionnaires, alors que les Français supportent de plus en plus mal "l'overdose fiscale" ...Ce n'est pas par hasard que sa cote de popularité s'est réduite de moitié en un an, passant de 51,6 % des élections de mai 2012 à 24 % au dernier sondage d'Avril 2013, ce qui est un record...
Dans ces conditions, on comprend que le Rapporteur du Budget Gilles Carrez, membre de l'UMP connu pour tous les partis comme un homme impartial et rigoureux, puisse s'inquiéter que "l'Allemagne devienne le bouc émissaire de l'échec économique et social de François Hollande", ce qui est d'autant plus risqué que son attitude envers Angela Merkel met en danger "l'Union Européenne" et peut ainsi conduire à un repli "nationaliste", la remontée des extrêmistes de droite comme de gauche étant significative ...Ce n'est plus la France qui doit supporter les excès de l'Allemagne, comme il y a près de trois quarts de siècle ...C'est maintenant l'Allemagne qui doit maintenant supporter les excès de la France...
(*) Terme utilisé par François Kalfon, Secrétaire National du Parti Socialiste - Voir Figaro du Samedi 27 avril 2013