La "démocratie" est un mot composite d'origine grecque réunissant la notion de "peuple" (Démos) et de "pouvoir" (Kratos) pour définir un régime assurant la "souveraineté du peuple". Ce n'est donc pas un hasard s'il apparaît à partir du 6ème siècle avant JC à Athènes, qui est considérée comme le berceau de ce régime ...Mais, dès cette origine, la démocratie est un régime ambigu, puisque le "peuple" dans l'antique Athènes ne représentait alors qu'environ 40.000 "citoyens", le plus souvent des propriétaires et des négociants, dans une agglomération d'environ 250.000 habitants lors de sa plus grande extension, comprenant une majorité dépourvue de droits civiques, qu'il s'agisse des femmes, des étrangers (les métèques) et, bien entendu des esclaves...
25 siècles plus tard, il a fallu à la France ...deux siècles - le 19ème et le 20ème - pour mettre en place une démocratie , au sens défini par l'américain Abraham Lincoln d'un "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple" ...et elle n'y est parvenue - définitivement ? - qu'au terme de multiples changements de régime, 5 "républiques" ayant alterné avec 5 institutions "monarchiques" ou "oligarchiques" (Consulat et 1er Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, 2nd Empire, Vichy) ...et au prix de 5 "Révolutions" effectives (1789, 1830, 1848) ou avortées (Commune 1871 et évènements 1968) ...Et comme d'autres "républiques" dans l'histoire du monde, à l'image de Rome ou de Venise, sont également loin aussi d'avoir été des modèles, il est difficile de faire de la démocratie un régime naturel - voire idéal - ce que d'ailleurs Winston Churchill, le 1er Ministre le plus célèbre d'une ...monarchie ayant donné l'exemple d'un fonctionnement démocratique sans bouleversements, a pu résumer avec un humour très britannique en 1947 dans sa formule : "la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres"...
La France ayant un rendez-vous électoral en 2012, d'autant plus important qu'y seront accouplées une élection présidentielle et des élections législatives, il est donc opportun de faire le point sur le fonctionnement de sa "démocratie", pour essayer d'en dégager les aspects positifs comme les aspects négatifs :
1. La démocratie étant, par définition, l'expression de la souveraineté du peuple, la question préalable est de savoir si celle-ci est réellement exercée par les Français ...et la réponse ne peut être qu'ambiguë : en effet la Constitution du 4 octobre 1958 a prévu un système mixte relevant de l'article 3 du Titre 1er qui stipule que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum" ...La démocratie est dons à la fois "représentative" et "directe" ...Le caractère représentatif a été normalement mis en application, l'Assemblée ayant à plusieurs reprises changé de majorité entre "modérés" et "socialistes", et le Sénat venant pour la 1ère fois d'en changer - en l'occurrence passant à une majorité "socialiste" ...Mais le caractère direct a été renforcé par l'élection du Président de la République au suffrage universel ...direct, à l'initiative du Général De Gaulle qui l'imposa en 1962 ...sans avoir consulté le peuple au préalable par référendum...
2. Il n'y a pas de démocratie, ni d'ailleurs aucun autre régime, sans "gouvernement" ...Or, même dans les petites communautés comme la Cité antique d'Athènes ou ...les cantons suisses, il est impossible que tous les individus en âge d'exercer leurs droits civiques puissent gouverner ensemble...La souveraineté du peuple ne peut donc pas se traduire dans le fait de "gouverner", mais seulement dans le "contrôle du gouvernement" ...Or ce contrôle est souvent aléatoire : relativement facile quand il y a concordance entre la majorité présidentielle et la majorité législative, elle devient particulièrement difficile dans le cas contraire, donnant lieu à une "co-hahitation" parfois paralysante ...et ceci, quels que soient les partis concernés, puisqu' il y a eu ce cas de figure successivement sous les présidences de François Mitterrand et de Jacques Chirac, l'un et l'autre n'ayant pas cherché à l'éviter en démissionnant pour cause de désaveu, comme l'avait fait le Général De Gaulle après l'échec de son référendum sur le Sénat et les Collectivités Territoriales en 1969 ...Il est vrai que la Constitution ne les y obligeait pas, car le Président de la République - à la différence du 1er Ministre et du Gouvernement qui peuvent être renversés par un vote de l'Assemblée - n'est pas statutairement "responsable" et ne peut donc pas être révoqué par l'Assemblée, alors que lui-même a le pouvoir de la dissoudre...
3. A défaut d'un texte institutionnel, il devrait être néanmoins être possible - sinon normal - de compter sur la "sagesse" des personnalités en charge des intérêts du pays, que ce soit les membres du Parlement (Assemblée et Sénat) ou du Président de la République lui-même ...Par conséquent, il n'est pas raisonnable - mais est-ce une question de "raison" ? - qu'un Président comme Nicolas Sarkozy, même s'il a été élu en 2017 avec une majorité incontestable, mène une politique "personnelle" sans concertation suffisante avec les organes politiques, qu'il s'agisse de l'Assemblée, Su sénat, du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel ou ...du 1er ministre lui-même, et apparaisse comme un "Super-Président" s'arrogeant tous les pouvoirs avec un comité de conseillers, sous le prétexte qu'à l'instar du Général De Gaulle - qui l'avait proclamé dans un autre contexte - "le Président ne peut pas être l'otage des partis politiques"...
4. Pour autant, il n'est pas raisonnable non plus que les partis - et dans le cas actuel , les "socialistes" - prétendent monopoliser le choix des candidats à l'élection présidentielle et les soumettent à une élection populaire, au sens d'une élection par l'ensemble du peuple. En effet, le choix du candidat d'un parti est l'affaire de ce parti, qui peut le résoudre soit par une consultation de ses militants, soit par une décision d'état-major, soit par le retrait concerté de rivaux, comme cela a été naguère le cas entre Mitterrand et Rocard, ou entre Chirac et Balladur ...Mais l'ensemble du peuple n'a pas à être consulté, d'autant moins qu'il peut y avoir alors des manipulations ou des objectifs plus ou moins avoués, des sympathisants de la "majorité" politique pouvant alors voter pour le candidat de "l'opposition" leur apparaissant plus facile à battre lors de l'élection présidentielle ...Et qu'on n'aille pas raconter que le candidat ainsi favorisé aura une "popularité" renforcée, car cette popularité sera de mauvais aloi ...En fait, un tel comportement souligne seulement qu'un parti n'a pas de "leader naturel" ...ou qu'il en a trop !...Et ce n'est pas alors au peuple d'arbitrer les rivalités ou les hésitations de ce parti...
Il est vrai que tout est possible , "les Français étant ce qu'ils sont , et la France étant ce qu'elle est", comme l'avait naguère dit le Général De Gaulle - encore lui - qui avait également répondu à un journaliste l'interrogeant sur sa succession : "ce que je crains, ce n'est pas le vide, mais le trop-plein"...