Le Figaro -Economie consacre son numéro du 16 mars 2006 aux "bénéfices historiques" des "entreprises françaises du CAC 40", c'est-à-dire aux "Grandes Entreprises" entrées en Bourse, qui ont gagné 84 milliards d'Euros en 2005, soir 27 % de plus que l'année précédente. Et le journal cite notamment les entreprises suivantes :
- Total 12 Milliards 273 millions d'Euros
- Sanofi 6 Milliards 335 "
- BNP Paribas 5 Milliards 552 "
- France-Télécom 5 Milliards 709 "
- Société Générale 4 Milliards 446 "
- Axa 4 Milliards 173 "
......
- EDF 3 Milliards 242 "
......
- Gaz de France 1 milliard 560 "
En contrepartie, il convient objectivement de préciser que d'autres entreprises ont connu une baisse : Peugeot (-37 %), Vivendi (- 16,3 %), Carrefour ( -15,6 %), MicroElectronic (-55,8 %) et Bouyghes (- 8 %), soit 5 seulement sur les 40 entreprises citées...
A priori, de tels résultats peuvent flatter l'orgueil national... Mais il n'y a vraiment pas de quoi !... En effet, le taux de croissance économique ne s'est accru en France que de 1,5 % en 2005, ce qui montre - compte tenu de l'accroissement de 27 % des bénéfices des Grandes Entreprises - que les autres entreprises stagnent ou même régressent relativement... Et ceci n'a rien d'étonnant : en effet les Grandes Entreprises ne sont souvent "françaises" que de nom, parce qu'elles ont "réglementairement" leur centre de décision en France... Mais en fait, leur structure est "internationale", puisque leur actionnariat comporte 55 % d'investisseurs étrangers et que leurs salariés sont moins de 30 % à travailler dans l'Hexagone...... Autrement dit, les bénéfices des Grandes Entreprises "nationales" traduisent peut-être la croissance de l'économie mondiale, estimée à 4,5 % en 2005, mais ils n'ont que peu de rapport avec la morosité de l'économie française...
En effet, si les bénéfices des Grandes Entreprises contribuaient au Produit Intérieur Brut (PIB) de la France, que ce soit en matière d'emploi, de création de valeur ajoutée et...d'imposition, on pourrait s'en féliciter, mais ce n'est pas le cas !... Car les bénéfices ont servi soit à réduire des dettes antérieures, soit à réaliser des fusions ou acquisitions (souvent au prix de livenciements...), soit à distribuer des dividendes aux actionnaires... en majorité étrangers, donc à enrichir par exemple des rentiers des Etats-Unis ou d'Angleterre... et non pas la "société" française... Seule compte en effet la "rentabilité économique", au mépris de la "rentabilité sociale", à l'image de Total, qui n'a toujours pas indemnisé les victimes de l'Erika - notamment les collectivités locales - alors qu'elle a largement profité de la hausse des produits pétroliers...
Evidemment, alors que le gouvernement est en train de prendre "justement" des dispositions pour encourager la "participation", on peut imaginer que l'actionnariat va se développer auprès des salariés, en particulier...dans les Grandes Entreprises... L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisque De Gaulle avait déjà évoqué "l'association Capital-Travail" il y a 40 ans... Malheureusement, une telle association est contraire à une tradition tenace d'opposition entre "patrons" et "syndicats" : ces derniers préfèrent une augmentation "certaine" des salaires à une participation "incertaine" au financement des entreprises... Dans une certaine mesure, on peut les comprendre, en pensant à la lourde déception des actionnaires "populaires" du Transmanche ou de France-Télécom... Et inversement, les entreprises rechignent à l'augmentation des salaires... Dialogue de sourds ! Et pourtant, une augmentation modérée et progressive des salaires ne pourrait, selon le schéma de Keynes, qu'encourager la consommation... et permettre un progrès de l'actionnariat et, finalement, de la production... ce qui est le moyen le plus sûr de réduire le chômage !... Mais en quoi un tel schéma peut-il intéresser des Grandes Entreprises "nationales" devenues en fait "multinationales" ? A moins d'imposer leurs bénéfices au-delà d'un certain seuil... Mais la solution est hasardeuse et dangereuse, si la France est un des seuls pays à la mettre en pratique : il faudrait un accord mondial... On n'en est pas là !...