Il fut un temps où l'âge de raison était fixé pour les jeunes à 7 ans ...Mais ce temps est peut-être dépassé en ...ce temps actuel qui ne respecte plus rien ...Et inversement on peut donc se demander si, à partir de 77 ans, l'âge retenu naguère par la revue Tintin, les vieux ont encore leur raison, à en juger par la réflexion d'Henri Emmanuelli, né en 1945, ancien Président socialiste de l'Assemblée Nationale, et encore député, s'interrogeant sur la durée de la retraite : "Je vois autour de moi des gens qui auront passé plus de temps en retraite que dans la vie active ...C'est une situation qui ne peut pas perdurer"...Réflexion doublement inquiétante : d'abord pour les jeunes, car, si cela signifie que les vieux doivent travailler plus longtemps, le chômage des jeunes ne pourra qu'augmenter ...mais aussi pour les vieux, s'il faut comprendre que les vieux vivent trop vieux et donc ...qu'ils devraient mourir plus tôt ...Dans ce dernier cas, ne serait-ce que par solidarité pour les jeunes, il y a une solution radicale qu'avait laissé entendre autrefois un de ses collègues socialistes, Dominique Strauss-Kahn, en affirmant que la France, au moins pour la Sécurité Sociale, ne pourrait pas supporter longtemps le poids de vieillards invalides...
Mais plutôt que d'en venir à une telle solution, économiquement valable mais humainement inconcevable, le 1er Ministre actuel, Jean-Marc Ayrault, a pris la sage décision de constituer le 27 février 2013 une Commission "Pour l'avenir des retraites", qui aura trois mois pour faire des propositions, en s'appuyant sur le rapport de la Cour des Comptes qui a fait en septembre 2012 une synthèse de la situation des retraités ...Il apparaît en effet dans ce rapport que celle-ci est particulièrement avantageuse par rapport aux autres classes d'âge, à en juger par la comparaison des niveaux de vie moyens annuels (chiffres 2009) :
Moins de 18 ans : 20160 €
18 à 24 ans : 18930 €
25 à 29 ans : 20660 €
30 à 39 ans : 22070 €
40 à 49 ans : 22650 €
50 à 64 ans : 25510 €
65 à 74 ans : 22530 €
75 ans et plus : 21525 €
En fait, ce tableau fait illusion : certes les retraités entre 50 et 74 ans sont globalement mieux lotis, mais une étude affinée montre que le revenu "médian" (*) de l'ensemble des retraités est de 19100 € contre 22.500 € pour l'ensemble des actifs ...Et ce tableau ne rend pas compte des grandes disparités internes : non seulement le nombre des "pauvres" - en dessous du "seuil" de 9636 € - est plus important pour les retraités que pour les actifs, mais les femmes, en raison de salaires inférieurs et d'interruptions plus nombreuses de carrière durant leur activité, ont des pensions globalement inférieures de 30 % à celles des hommes...
Il n'en est pas moins vrai que les retraités ont des avantages fiscaux qui, selon la Cour des Comptes, coûteraient 12 milliards d'€ au budget ...donc apparemment une "poule aux oeufs d'or" :
- Un abattement pour "frais professionnels" de 10 %, comme pour les actifs ...alors que, par définition, ils n'ont plus de "profession" ...on oublie de préciser qu'il s'agit d'un usage ancien fondé sur l'égalité devant la loi ..Coût : 2,7 milliards d'€ ....S'y ajoute la non-déclaration de majoration de pension pour ceux ayant élevé au moins 3 enfants ...Evidemment, ils n'ont pas fait durer le plaisir , et tant pis pour la gratitude...Coût : 300 millions d'€...
- Une augmentation du taux de la CSG qui est actuellement entre 0 et 6,6 % pour les retraités, afin qu'il s'aligne sur celui de 7,5% pour les actifs ...Autrement dit, on invoque cette fois l'égalité rejetée pour les "frais professionnels"...
Evidemment, les retraités peuvent s'estimer heureux, car on pourrait aller beaucoup plus loin, notamment en réduisant leur pension ...Il existe un adage suivant lequel "toute peine mérite salaire" ...et, comme les retraités, même s'ils s'investissent bénévolement dans des activités associatives, caritatives ou culturelles, sont censés ne rien faire, il serait logique de diminuer leurs revenus, d'autant plus certains ont des ressources annexes comme la location de propriétés ou des bénéfices de patrimoine ...Cela a d'ailleurs déjà commencé, avec la décision de soumettre les pensions à un abattement de 0,3 % pour financer l'aide aux personnes dépendantes, alors que beaucoup d'entre eux ont déjà payé lourdement pour l'accueil de leurs propres parents en maison de retraite, sans la moindre aide, et même avec la menace d'hypothèques sur leurs biens en cas de non-paiement ...Et cela va continuer de façon hypocrite en ne revalorisant plus les pensions au niveau de l'inflation, comme c'est le cas jusqu'à présent ...Or, sur la base de 0,5 à 3% par an d'augmentation du coût de la vie, cela fera entre 5 et 30 % de dégradation du pouvoir d'achat pour les retraités en 10 ans ...On verra de plus en plus de pauvres vieux faire les poubelles des supermarchés !...
Bien sûr, il y a d'autres pistes possibles, comme celle d'augmenter les prélèvements de retraite pour les actifs, suivant le principe de la répartition, les pensions des retraités étant payées grâce à ces prélèvements ... Mais ce ne sera pas possible, sans autres ressources, au delà de l'année 2040, en raison du nombre croissant des vieux ...Et ceci d'autant moins que le niveau du chômage ne cesse de monter, en atteignant à la fin de 2012 le chiffre record de 3,17 millions de personnes... Autant dire qu'il s'agirait "d'un cataplasme sur une jambe de bois" ...Et quel gouvernement serait assez courageux pour prendre une mesure aussi impopulaire ?... Car il ne suffirait pas alors de faire payer les riches ,même à 70 % de leurs revenus, ...l'essentiel serait supporté une fois de plus par les classes moyennes, déjà taxées de toutes les façons, puisqu'environ 50 % des Français ne paient pas d'impôts sur le revenu, en raison de l'insuffisance de leurs ressources...
Or les classes moyennes - qu'il s'agisse des actifs ou des retraités - ne sont pas constituées de "profiteurs" suçant le "sang de la nation" ...Elles sont formées en grande partie de gens qui, par eux-mêmes ou de génération en génération, ont eu le "mérite" , par leur travail, voire par des sacrifices d'argent ou de temps, d'améliorer leur niveau de vie et de contribuer à la richesse du pays ...Serait-il juste qu'en arrivant à la retraite ils soient pressurés, et ceci alors que "le train de vie de l'Etat" - notamment au niveau territorial - comporte encore des dépenses somptuaires ?...
(*) Niveau médian : autant de personnes au dessus que de personnes en dessous
Sources : Article Ouest-France du 26 février 2013 - page 3, + documentation personnelle