Réflexions sur l'actualité en tous genres.
S'il y a un scandale de la Poste, ce n'est assurément pas celui de son personnel qui, depuis l'institution d'un "monopole postal" par Napoléon en 1801 devenu le service public des PTT en 1881, assure son fonctionnement dans des conditions méritoires et bénéficie d'une sympathie générale ...Les Français aiment leurs "facteurs", même s'ils sont devenus depuis quelque temps des ..."préposés", à qui ils donnent toujours leurs étrennes en échange de leur "almanach"...
Le scandale se trouve en fait dans les conditions de fonctionnement de la Poste, qui suscitent un mécontentement croissant :
- De la part des utilisateurs supportant de moins en moins les attentes souvent longues aux guichets et les retards fréquents du courrier, certaines entreprises, notamment de vente par correspondance, ayant même organisé leur propre service de distribution ... La Poste a d'ailleurs elle-même institutionnalisé ces retards, par la création du fameux "courrier lent" allant à l'encontre du principe ancien d'un acheminement le plus rapide possible...
- De la part des employés contraints d'effectuer des tâches de plus en plus nombreuses et complexes avec des effectifs insuffisants ou inadaptés, à fortiori depuis l'application des "35 heures" ayant compliqué leur service, et ceci dans des conditions de carrière et de rémunération peu gratifiantes...
- Mais aussi de l'Etat dont les responsables ne peuvent continuer à combler le déficit du secteur courrier (3 milliards d'euros en 2003) en raison de l'importance de la Dette publique, alors que la filiale de la Banque postale (créée en 2006) doit parallèlement faire face à la rivalité des grandes banques en voie de regroupement (BNP-Paribas, Crédit Agricole et Crédit Lyonnais, CIC et Crédit Mutuel)...
- Mais encore de la part de l'Europe, dont la Commission a déjà eu l'occasion d'engager contre la France une procédure d'infraction devant la Cour de Justice pour le retard apporté à la régulation postale en vue l'ouverture à la concurrence devant conduire à une libéralisation totale du marché dit "ubiversel" en 2011...
Cette conjonction de problèmes rend donc urgente une solution acceptable par toutes les parties concernées ...Tel n'est pas le cas jusqu'à présent, dans la mesure où les projets en cours privilégient essentiellement la "rentabilité" financière de la Poste au dépens de son "intérêt social" :
* Réduction du nombre des bureaux ou de leurs heures d'ouverture en fonction de leur fréquentation ...Autrement dit, le public des secteurs moins peuplés - notamment ruraux - devront se déplacer plus loin et dans des créneaux limités, alors que leurs boîtes aux lettres ont déjà été regroupées ...Ce n'est plus la Poste qui ira au public, mais le public qui ira à la poste de façon contraignante ...Comme l'a souligné un "facteur" interrogé à l'occasion de la grève du 23 septembre : "il y a des petits vieux isolés et impotents dans mon secteur, et je suis parfois la seule personne avec qui ils parlent de la journée ...Nous sommes un lien social"...
* Réforme du système de distribution au nom d'un meilleur rendement ...Ainsi les tournées seront chronométrées, ce qui signifie une fatigue accrue pour le personnel ...comme si le fait de "tailler une bavette" ou boire un verre" était une faute professionnelle...
Inversement, il faut convenir que les personnels ne prennent pas suffisamment en compte la nécessité d'un redressement financier de la Poste, et leur opposition à une "privatisation" - même partielle et contrôlée par l'Etat - peut être suicidaire ...En effet, la Poste ne peut pas échapper à l'ouverture totale à la concurrence en 2011, et elle devra alors faire face aux services postaux des autres pays, notamment ceux de l'Allemagne (Deutsche Post 1ère en Europe) et des Pays-Bas, engagés depuis logtemps dans la voie de la modernisation et déjà très "agressifs" ...Et, comme elle ne peut compter ni sur l'Etat - lui-même endetté et contraint à des restrictions budgétaires par la crise financière de Septembre 2008 - ni sur une augmentation importante des tarifs qui affecteraient le pouvoir d'achat des Français, le recours à des financements privés dans le cadre d'une Société anonyme est pratiquement inévitable ...Certes, les personnels peuvent craindre alors une diminution ou du moins un reclassement, mais le danger serait pire si la Poste s'enterrait seule dans son déficit ...Et il faut tout de même rappeler que la "privatisation" a donné des résultats positifs dans des anciennes entreprises nationales comme Air France, GDF, EDF (qui est en train de racheter British Energy...), ou encore France-Télécom (naguère intégrée aux PTT...
Dans cette perspective, la mise en place d'un "Contrat de Service Public de la Poste" par le Gouvernement le 22 juillet 2008 devrait apparaître comme une garantie suffisante, si des précautions sont prises... D'où l'intérêt de la réunion d'une Commission dite "Ailleret" à partir du vendredi 26 septembre 2008, pour étudier les problèmes encore en instance, avec la participation de députés et sénateurs, de représentants d'associations de consommateurs, de sociétés de ventes par correspondance et de la presse écrite concernée par la distribution des journaux et revues... Peut-être pourrait-on rompre avec les habitudes adminitratives, par exemple en instaurant dans les petits bourgs des fonctionnaires polyvalents chargés de services actuellement séparés (poste, finance, administration générale...), ce qui concilierait la "rationalisation" et le "maintien local"... Quand il s'agit de maintenir le "lien social", il ne faut pas hésiter à faire des ..."propositions audacieuses" !