Ce n'est certainement pas par hasard que la Revue "Monde de la Bible" publie dans son numéro de Mars-Avril 2008 un dossier spécial consacré à Ponce Pilate... Car il y a des personnages ou des faits historiques qui connaissent ainsi des regains d'intérêt ...et, en la circonstance, l'évocation de Ponce Pilate, connu pour "s'en être lavé les mains" lors de la condamnation de Jésus, fait quelque peu écho à la campagne municipale où de nombreux candidats se livrent à de "médiocres lâchetés" vis-à-vis d'un pouvoir central actuellement en mal de popularité...
Pourtant, s'il est un personnage qui, à son époque, n'avait rien de populaire, c'est bien Ponce Pilate ...et on aurait bien étonné les Romains ...et l'intéressé lui-même si on avait pu alors lui prédire le souvenir durable qu'il laisserait encore 2000 ans plus tard. Car, au 1er siècle de l'ère qui deviendra justement chrétienne, il n'avait été qu'un obscur "Préfet" dans la province récemment acquise et mal connue de Judée, où il avait laissé condamner un "prophète" également obscur du nom de Jésus qui, parmi d'autres, avait par son enseignement - faisant de lui un "Roi-Messie" - ranimé l'espoir des Juifs de retrouver leur indépendance...
Mais chacun sait que l'enseignement de cet obscur prophète fut repris par ses apôtres ..., ainsi que par un persécuteur - juif et citoyen romain - des premiers "nazaréens" du nom de Saül, qui prit le nom de Paul après sa "conversion" et se fit alors, comme souvent avec les néophytes, un propagateur passionné et efficace, notamment auprès des "païens", du nouveau culte bientôt appelé "christianisme" ...Et l'obscur Ponce Pilate devint ainsi un personnage essentiel de la "Passion" de Jésus, ...évoqué dans les Evangiles et figurant même dans la profession de foi chrétienne (Jésus ..."qui a souffert sous Ponce Pilate")... Il fut même à travers les siècles l'objet de toute une "littérature" regroupée dans ce qu'on appelle le "Cycle de Pilate", avec des textes apocryphes comportant toutes sortes de "gloses" où il a tantôt le rôle du "lâche" et tantôt celui d'un homme plein de "mansuétude" qui ne voulait pas la mort de Jésus...
En fait Ponce Pilate n'a été qu'un "fonctionnaire" romain parmi beaucoup d'autres, au temps de l'Empereur Tibère, successeur d'Auguste... Il appartenait à une famille alors connue à Rome, celle des "Pontius", faisant partie de l'ordre équestre, c'est-à-dire de l'ordre venant après celui des Patriciens, auquel avait appartenu Jules César... Il était devenu en 26 Préfet de Judée, au terme d'une carrière militaire, d'où lui vient peut-être le surnom (cognomen) de "Pilatus" (habile au javelot)... Et ce n'était pas ...un cadeau, dans cette province indocile et agitée, ayant des croyances originales, où la caste des prêtres ou "sadducéens", en échange de sa collaboration avec les Romains, veillait au respect de la "Loi" par les Juifs ainsi qu'au maintien de privilèges particuliers accordés naguère par Jules César et Auguste.... Et Ponce Pilate fut souvent contraint de "composer" avec cette caste puissante, à l'occasion d'incidents divers comme le retrait d'enseignes avec le portrait de l'Empereur qu'il avait voulu placer à l'intérieur de Jérusalem, contrairement aux usages dans ce lieu "sacré"... Le procès de Jésus situé en 30 n'est alors qu'un "incident" parmi d'autres, ou le Grand-Prêtre Caïphe, après avoir fait condamner Jésus par l'Assemblée du Sanhédrin pour "sacrilège" (prétention à être le "Messie" envoyé par Dieu),est trop heureux de le traduire devant Ponce Pilate, seul détenteur du pouvoir judiciaire, parce qu'il avait annoncé aussi le "Royaume de Dieu"...Or, même si Jésus avait précisé que "ce Royaume n'était pas de ce monde", un Préfet de Rome ne pouvait que condamner "un prétendant à la Royauté", comme cela s'était déjà fait dans d'autres provinces... Et la sanction était la mort... La suite est connue : la foule prise à témoin ("Ecce Homo"), Ponce Pilate qui s'en lave les mains (en fait rite de purification après une condamnation) et le Crucifixion (avec l'inscription I.N.R.I : Jésus de Nazareth Roi des Juifs)...
Donc finalement Ponce Pilate fut surtout un homme médiocre, soucieux de durer dans un fonction difficile... Il ne sera pas le seul dans l'Histoire à manquer ainsi de courage, vertu qui n'a jamais été largement partagée... Les "historiens" de l'époque Philon d'Alexandrie (13 av.-54 ap JC) et Flavius Joséphe (37-100) rapportent qu'il eut encore des difficultés avant d'être révoqué en 36 par son supérieur hiérarchique Vitellius, gouverneur de la Syrie voisine... On perd alors sa trace, certains spécialistes affirmant qu'il finit sa vie en ...Gaule.