Le goût des Français pour les anniversaires les ont conduits cette fois à célébrer avec éclat le "trentenaire" de la suppression de la peine de mort dans leur pays le 18 septembre 1981, à l'instigation de Robert Badinter, alors Ministre de la Justice (*) ...Mais cet éclat ne doit pas dissimuler que cette suppression n'avait pas alors reçu leur accord, puisqu'environ 60 % d'entre eux y étaient alors hostiles, suite à divers crimes, il est vrai ....Il a fallu une évolution des mentalités, encouragée par la pression des organismes internationaux (ONU, Union Européenne) et la suppression ou la non-application de cette peine dans la majorité des pays du monde (140 sur 192 en 2009), pour que, désormais, une majorité des Français - soit environ 80 % - approuve son abolition ...Et il paraît peu vraisemblable que, sauf crise grave - extrêmisme politique ou guerre - cette abolition soit remise en cause...
Pour autant, la suppression de la peine de mort, comme auparavant et inversement la peine de mort elle-même, n'a jamais fait l'unanimité ...Il s'agit en effet d'un problème particulièrement difficile qui a préoccupé les sociétés humaines dès la plus haute Antiquité et certainement même avant, même si on n'en n'a pas gardé de preuve écrite ...La peine de mort, d'une façon générale, était infligée à ceux qui mettaient gravement en cause les règles de vie de la communauté, pour des raisons à la fois sociales et religieuses, car un crime n'était pas seulement une atteinte aux hommes, mais une offense aux dieux ...Et, à l'origine, cette peine était appliquée suivant le principe de la réciprocité appelée plus tard la "loi du talion", comme dans le Code d'Hammourabi en Mésopotamie (vers 2000 av.JC) où était exécuté celui qui avait tué, non seulement par meurtre volontaire, mais celui qui était responsable de la mort de ses semblables, comme un architecte dont une maison mal construite s'était écroulée sur ses habitants ...Mais dès l'Antiquité, aussi, l'application de la peine de mort était déjà contestée : Aristote lui préfère le principe d'indemnités pécuniaires ...et les Romains ne l'appliquaient pas, du moins pour les citoyens, car les étrangers et les esclaves pouvaient en être les victimes, à l'image de la crucifixion dont Jésus-Christ a été la plus célèbre victime ...
En fait, pour comprendre ces réserves, il faut réfléchir à la notion même de "peine de mort" :
- La "peine" elle-même doit être définie comme une "punition", c'est-à-dire la "sanction d'une faute", et, comme la faute peut être plus ou moins grave, la sanction a été dans la plupart des pays "codifiée" par des lois appliquées par la justice. Et cette codification peut aller, si la faute est prouvée, de la simple réprimande ...à la mort.
- La "mort" est, par sa nature même, la sanction extrême, puisqu'elle est "définitive" et donc sans appel. Elle exclut toute possibilité de rachat du condamné et peut être interprétée comme la volonté - sans "état d'âme" - de la société concernée de se débarrasser d'une personne jugée dangereuse et néfaste.
Mais, si la "peine" peut être jugée "nécessaire", la question peut être posée de savoir si la "mort" est vraiment la solution "obligatoire" pour protéger la société du risque posé par un "criminel" , ...et la réponse n'est pas évidente :
- D'abord, suivant l'axiome connu, "l'erreur est humaine", et il y a, en France comme dans d'autres pays, des exemples célèbres "d'erreurs judiciaires". Or
il va de soi que l'exécution d'une peine de mort est irréparable sur le plan moral, quand bien même sont prévues des indemnités financières...
- Ensuite, l'exécution de la peine de mort n'a jamais eu de caractère exemplaire, non seulement parce qu'elle n'entraîne pas de réduction durable de la criminalité, mais parce qu'elle peut attiser la cruauté populaire, comme cela arrivait en France quand elle était publique avec la hideuse guillotine, ou en Arabie avec la décapitation au sabre, ou encore en Iran ou Irak avec la pendaison-strangulation...
- Enfin et surtout, les hommes n'ont jamais su, ...de leur vivant, ce qu'est la mort ...Et condamner une personne à mort, c'est donc la condamner à ce qu'on ne connaît pas : le néant ?...Ce serait ...euh ...le moindre mal ...Mais s'il y a un au-delà ?...Dieu, s'il existe, ne sera pas tenu par la justice des hommes et il poura, à l'exemple de Jésus-Christ, pratiquer la rédemption ...Et, s'il y a, à l'image du bouddhisme, un Nirvana où baigne la béatitude, n'est-il pas paradoxal d'y envoyer un criminel ?...
L'incertitude de la réponse à ces réserves a conduit naturellement les "abolitionnistes" à trouver ce qu'ils appellent des "peines de substitution" ...et la plus grave peut évidemment être "l'emprisonnement à vie", encore appelé la "réclusion perpétuelle" ...Mais ces termes sont inappropriés, notamment en France, où la perpétuité n'est pas ...sans limite, contrairement à sa définition, mais dure au pire ...18 ans, et encore ...cette peine peut être réduite de moitié au terme de 9 ans ... si le juge d'application des peines considère que le condamné a eu une bonne conduite (en prison ...?! ) ...Robert Badinter lui-même avait déclaré en 1981 que cette durée était suffisante car "la peine de mort est un supplice, et on ne remplace un supplice par un autre" ...On aurait aimé qu'il déclare en même temps une sollicitude au moins égale pour les familles des victimes des criminels, ce qui n'a pas été le cas...(**)
Que faire alors ?...Manifestement, il n'y a pas de "solution-miracle" qui puisse faire l'unanimité ...Les Etats doivent rechercher et mettre en oeuvre tous les moyens pour diminuer la criminalité, notamment par la prévention en assurant une plus grande équité sociale et en procédant à une ré-éducation des jeunes délinquants en temps utile ...Mais la criminalité peut avoir des causes personnelles tenant à la personnalité des individus : S'il y a déficience mentale - celle-ci peut survenir pour des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer - il n'y a rien de choquant à maintenir ces personnes dans un établissement spécialisé si celui-ci assure des conditions convenables dûment contrôlées, ce qui n'est malheureusement toujours le cas ...S'il y a déviation sexuelle d'individus dont on dit qu'ils ont des "pulsions", et si les services hospitaliers n'ont pas la possibilité de contrôler les soins prévus dans ce cas, il n'y a pas d'autre solution que de garder ces individus sans attendre qu'ils fassent de nouvelles victimes en récidivant, à fortiori si un viol est suivi de mort ...D'ailleurs, il y a des cas où d'individus suffisamment conscients pour comprendre qu'ils peuvent être dangereux, et demandant eux-mêmes à être enfermés ...Un comble, dans une société qui se veut libérale et permissive ...
(*) En fait, il s'agit de la date du vote de l'Assemblée Nationale qui l'a alors adoptée par 369 voix contre 113. La loi elle-même a été promulguée le 9 octobre 1981. Elle a ensuite été inscrite dans la Constitution le 19 février 2007.
(**) Information incomplète : lire les commentaires n° 3 et 4 de Jacques.