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1 octobre 2006 7 01 /10 /octobre /2006 11:20

   Ayant acquis en mon lieu de vacances d'été de nombreux volumes de la Collection "Leur aventure" des Editions j'ai lu - consacrée à la 2ème Guerre Mondiale - , j'ai été attiré par le livre d'Arthur Conte "Yalta ou le partage du monde", dans la mesure où de nombreux historiens considèrent l'époque actuelle comme celle qui "liquide" les conséquences de cette fameuse conférence tenue entre le 4 et le 11 février 1945.

   A vrai dire, comme beaucoup de français, j'avais de cette conférence une vue banale et simpliste, celle d'une réunion internationale entre les "3 Grands" de l'époque - Roosevelt (Etats-Unis), Churchill (Angleterre) et Staline (URSS) - ayant abouti à la division du monde en 2 "Blocs", à l'origine de la fameuse "guerre froide"... Et j'imaginais en particulier Roosevelt comme un "grand homme" : le plus grand Président de l'histoire des Etats-Unis et le défenseur émérite de l'Occident parce qu'il avait réussi à contenir l'impérialisme soviétique et sauvegardé ainsi la paix... Il me faut désormais réviser mon jugement...

   Le 1er problème avait été le choix du lieu de la conférence : il apparaît d'abord que l'endroit réel n'a pas été Yalta - station balnéaire de la Mer Noire - mais Livadia, dans un ancien palais d'été du Tsar Nicolas II, mais peu importe... En fait, le choix du lieu comme de la date avait déjà été un succès pour Staline : connaissant le souhait de Roosevelt - plusieurs fois répété à Churchill - de réunir les 3 Grands" pour la préparation de la paix, il avait réussi à imposer le choix de la Crimée et, après diverses palinodies, il avait brusquement donné son accord pour février 1945... En effet, successivement, "l'Occident" venait de connaître la contre-offensive de Von Rundstedt dans les Ardennes... etr les Soviétiques étaient en train de réliser une percée décisive en Pologne vers Berlin...

   Ensuite, Roosevelt ne venait pas en Crimée avec un plan mûrement réfléchi et préalablement concerté avec Churchill... A défaut d'idées claires, il avait seulement l'intention de "bâtir la paix par la démocratie", manifestement sans s'interroger sur le moyen d'y introduire Staline et le système soviétique... Heureux de saluer "un grand lutteur", il ira même jusqu'à dire : "Je m'entends mieux avec Staline qu'avec Churchill"... Il faut dire, après étude de sa biographie, que sa "formation" était plutôt fruste... Comme le souligne Arthur Conte, "toute sa vie, il n'a été qu'un superficiel" : élève médiocre, étudiant sans diplôme, avocat sans cause, il ne s'était au fond engagé dans la politique que par esprit de facilité... Il n'avait pas de "culture"... Il n'aimait ni les livres, ni la peinture, ni la musique... Il ne réclamait comme films que des "westerns"... Sa plus grande distraction était, avec le poker et les timbres-poste, de ...collectionner les cochons-miniatures en porcelaine !... De surcroît, il était obsédé de superstitions : ainsi, il n'allait nulle part sans emporter son "porte-bonheur"... la longue queue du cheval Gloucester, "le plus beau cheval qu'ait connu l'Amérique" !... Enfin, il arrivait en Crimée dans un état de santé critique, et même "s'il avait encore toute sa tête", il n'avait certainement pas la "résistance" nécessaire pour faire face à un personnage aussi fort et rusé que Staline...

   Dès lors, il n'est pas surprenant qu'en échange de l'accord de Staline pour son projet d'organisation des Nations-Unies - satisfaisant son désir d'être pour la postérité "l'homme de la paix" - ...il ait fait des concessions majeures : en Extrême-Orient, il a accepté la future annexion du sud de l'île Sakhaline et des îles Kouriles par l'URSS au prix de son entrée en guerre contre le Japon... Et surtout, en Occident, il a concédé en Pologne l'annexion de la zone orientale et la reconnaissance d'un gouvernement communiste aux dépens d'un gouvernement "libéral" en exil à Londres... De surcroît, il fallut les "rugissements" du "lion" Churchill ...pour arracher à Staline une zone d'occupation en Allemagne pour la France, ...Roosevelt s'étant contenté d'ironiser sur De Gaulle "se prenant por Jeanne d'Arc" , et ceci après avoir refusé de le faire inviter à la conférence... Or, quelques mois plus tard, non seulement Roosevelt disparaissait, mais les "démocrates" étaient évincés de la plupart des pays des "marches de l'est" : Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie...

   Comme Arthur Conte l'affirme en conclusion, à l'instar du 6 juin 1944 qui fut "le jour le plus long", le 11 février 1945 marquant la fin de la conférence, fut bien "le jour le plus lourd"... Et l'ironie de l'histoire est que le monde se libère de ses effets, alors qu'un autre Président, "illuminé" à son tour par la vocation des Etats-Unis pour la paix, ... se prend pour le chef d'une "croisade" contre le terrorisme dans le monde...

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commentaires

J
Dur, dur ...pour Jean Monnet. Avez vous lu ses mémoires? Il s'explique très bien sur les situations que l'on pourrait lui reprocher. Je ne savais pas qu'il était au Panthéon. Comme quoi, on ne peut pas tout savoir.
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D
Je reconnais honnêtement mon manque de "sympathie" pour Jean Monnet... J'admire en effet dans "l'histoire" les personnalités "désintéressées", comme Robert Schuman et Charles De Gaulle,... et j'apprécie beaucoup moins les "marchands" comme Jean Monnet qui, à l'origine, a utilisé le carnet d'adresses de sa société familiale de cognac auprès des Anglais et des Américains pour se faire connaître et devenir pendant la Guerre 1914-18 un négociateur habile pour l'alimentation des troupes... Il reste "à l'abri" aux Etats-Unis pendant la Guerre 1939-45 alors qu'il n'avait pas voulu aider  De Gaulle à Londres et il ne rallie à lui qu'après avoir compris, comme beaucoup  que le "bon cheval n'était pas Pétain, Giraud et consorts... Il a ensuite mis son incontestable talent au service de la cause européenne, dont il comprend l'intérêt économique, et mérite donc à ce titre "l'hommage de la postérité"... Mais de là à en faire une "icône" et à l'avoir mis au Panthéon...
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J
Vous êtes dur avec Jean Monnet ...  Je ne pense pas qu'il ait déservi de Gaulle. Mais il ne lui était pas spécialement sympatique, il faut le reconnaître. Comme c'était un négociateur vraiment hors du commun (vous êtes d'accord là-dessus, je pense), il a su, quand il le fallait faire ce qu'il fallait pour que de Gaulle soit admis, in fine, à la table ... des négociations. Monnet, par exemple, a contribué à évincer Giraud.Sur la question de l'attitude des Etats Unis AVANT leur entrée en guerre, il semble assez normal qu'ils ne s'en mêlent pas ... Sur la question des ambassadeurs, la tradition séculaire de TOUS les Etats, c'est de reconnaitre d'autres Etats et non pas des régimes. Après le coup d'etat militaire au Chili, la France n'a pas rompu ses relations avec le Chili. C'était quelque chose de normal. Pareillement avec l'Allemagne nazie avant l'entrée en guerre ... etc ... 
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D
La démarche de l'historien doit être de confronter les informations pour trouver la vérité... Je conviens donc volontiers que le cas de Roosevelt doit être analysé en fonction d'autres témoignages que celui d'Arthur Conte, assurément marqué par sa sympathie pour De Gaulle...<br />    Pour autant, je ne me fierai pas au témoignage de Jean Monnet qui, après avoir été dispensé de service à chacune des 2 guerres mondiales pour raison de santé (qui ne l'empêcha pas de vivre jusqu'à 91 ans...) fut effectivement un conseiller de Roosevelt auprès duquel il desservit De Gaulle... et ceci alors que les Etats-Unis continuaient à reconnaître Vichy comme gouvernement légal de la France, avec l'ambassadeur Leahy chargé d'ailleurs de surveiller le transit en Suisse des intérêts américains dans l'industrie allemande... Car Roosevelt défendait avant tout les intérêts des Etats-Unis, et il n'entra dans la guerre que parce que ceux-ci étaient menacés... Quant au sacrifice des soldats américains, il est incontestable et mérite respect et reconnaissance, mais il ne faut pas oublier qu'il y avait parmi eux une proportion de "noirs" et de "pauvres" non représentative de la société américaine, Roosevelt n'ayant certes pas été un champion de la "démocratie sociale"...
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J
Je mettrais bien un "petit bémol" sur la descrition que vous faites. Arthur Comte est historien mais c'est aussi un  homme engagé sur le plan politique à la façon des gaullistes 1958. Il est très anticommuniste et très anti-américain.Précise t-il que Jean Monnet était installé à Washington et rencontrait Roosevelt ou ses plus proches collaborateurs régulièrement (Mémoires de Jean Monnet)?de Gaulle, à cause de son caractère assez peu conciliant, avait du mal à se faire accepter par les deux autres (je ne parle même pas de Staline ... qui aurait fort bien pu demander  "de Gaulle? Combien de divisions?" mais il ne l'a pas fait). de Gaulle était assurément un visionnaire tandis que Monnet était un négociateur hors du commun. On a toujours besoin des deux!C'est Roosevelt qui a fait basculer son pays et la nation américaine dans l'entrée en guerre. Il n'avait pas de consensus naturel ... on dit même qu'il savait que que Pearl Harbor allait être attaqué. Il aurait seulement voulu qu'un nombre nettement plus faible de navires eussent été coulés (plus de la moitié de la flotte de guerre américaine ...). C'est ce qui a justifié auprès du peuple américain l'entrée en guerre.C'est Roosevelt qui a trouvé le "truc" du prêt-bail permettant à l'Amérique de mettre ses navires de guerre à la disposition de l'Angleterre, l'allié de toujours (les "cousins") avec pour seule obligation de les restituer, dans le même état (!) quand "ils" auraient fini de s'en servir, à la fin des hostilités!C'est Roosevelt qui a "indirectement" créer les conditions de l'entrée en guerre du Japon contre les Etats Unis : il leur avait coupé la fourniture de pétrole, réservant celui-ci aux Anglais, en guerre.Quant à Staline, son voyage à Yalta fut son baptème de l'air! Il avait une trouille monstre ... Il n'a pratiquement pas quitté Moscou de toute la guerre. Une seule visite à relative proximité du front "ouest" ... visite au cours de laquelle il a déféqué (désolé ...) au milieu d'une route craignant que les buissons environnants ne soient minés ....C'était, par contre, un homme ayant une volonté de fer (Staline ...). Si les Russes ont eu 26 millions de morts, c'est, en particulier, à cause de l'envoi au front de troupes qui n'étaient même pas armées (Stalingrad ...).Pour compléter votre approfondissement du sujet, le livre de Simon Montefiore "la cour du tsar rouge" ... un ouvrage vraiment remarquable, une "somme" même, faite à partir des archives récemment devenues disponibles en Russie. J'ai mis du temps pour en venir à bout mais j'y suis arrivé!
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