Ayant acquis en mon lieu de vacances d'été de nombreux volumes de la Collection "Leur aventure" des Editions j'ai lu - consacrée à la 2ème Guerre Mondiale - , j'ai été attiré par le livre d'Arthur Conte "Yalta ou le partage du monde", dans la mesure où de nombreux historiens considèrent l'époque actuelle comme celle qui "liquide" les conséquences de cette fameuse conférence tenue entre le 4 et le 11 février 1945.
A vrai dire, comme beaucoup de français, j'avais de cette conférence une vue banale et simpliste, celle d'une réunion internationale entre les "3 Grands" de l'époque - Roosevelt (Etats-Unis), Churchill (Angleterre) et Staline (URSS) - ayant abouti à la division du monde en 2 "Blocs", à l'origine de la fameuse "guerre froide"... Et j'imaginais en particulier Roosevelt comme un "grand homme" : le plus grand Président de l'histoire des Etats-Unis et le défenseur émérite de l'Occident parce qu'il avait réussi à contenir l'impérialisme soviétique et sauvegardé ainsi la paix... Il me faut désormais réviser mon jugement...
Le 1er problème avait été le choix du lieu de la conférence : il apparaît d'abord que l'endroit réel n'a pas été Yalta - station balnéaire de la Mer Noire - mais Livadia, dans un ancien palais d'été du Tsar Nicolas II, mais peu importe... En fait, le choix du lieu comme de la date avait déjà été un succès pour Staline : connaissant le souhait de Roosevelt - plusieurs fois répété à Churchill - de réunir les 3 Grands" pour la préparation de la paix, il avait réussi à imposer le choix de la Crimée et, après diverses palinodies, il avait brusquement donné son accord pour février 1945... En effet, successivement, "l'Occident" venait de connaître la contre-offensive de Von Rundstedt dans les Ardennes... etr les Soviétiques étaient en train de réliser une percée décisive en Pologne vers Berlin...
Ensuite, Roosevelt ne venait pas en Crimée avec un plan mûrement réfléchi et préalablement concerté avec Churchill... A défaut d'idées claires, il avait seulement l'intention de "bâtir la paix par la démocratie", manifestement sans s'interroger sur le moyen d'y introduire Staline et le système soviétique... Heureux de saluer "un grand lutteur", il ira même jusqu'à dire : "Je m'entends mieux avec Staline qu'avec Churchill"... Il faut dire, après étude de sa biographie, que sa "formation" était plutôt fruste... Comme le souligne Arthur Conte, "toute sa vie, il n'a été qu'un superficiel" : élève médiocre, étudiant sans diplôme, avocat sans cause, il ne s'était au fond engagé dans la politique que par esprit de facilité... Il n'avait pas de "culture"... Il n'aimait ni les livres, ni la peinture, ni la musique... Il ne réclamait comme films que des "westerns"... Sa plus grande distraction était, avec le poker et les timbres-poste, de ...collectionner les cochons-miniatures en porcelaine !... De surcroît, il était obsédé de superstitions : ainsi, il n'allait nulle part sans emporter son "porte-bonheur"... la longue queue du cheval Gloucester, "le plus beau cheval qu'ait connu l'Amérique" !... Enfin, il arrivait en Crimée dans un état de santé critique, et même "s'il avait encore toute sa tête", il n'avait certainement pas la "résistance" nécessaire pour faire face à un personnage aussi fort et rusé que Staline...
Dès lors, il n'est pas surprenant qu'en échange de l'accord de Staline pour son projet d'organisation des Nations-Unies - satisfaisant son désir d'être pour la postérité "l'homme de la paix" - ...il ait fait des concessions majeures : en Extrême-Orient, il a accepté la future annexion du sud de l'île Sakhaline et des îles Kouriles par l'URSS au prix de son entrée en guerre contre le Japon... Et surtout, en Occident, il a concédé en Pologne l'annexion de la zone orientale et la reconnaissance d'un gouvernement communiste aux dépens d'un gouvernement "libéral" en exil à Londres... De surcroît, il fallut les "rugissements" du "lion" Churchill ...pour arracher à Staline une zone d'occupation en Allemagne pour la France, ...Roosevelt s'étant contenté d'ironiser sur De Gaulle "se prenant por Jeanne d'Arc" , et ceci après avoir refusé de le faire inviter à la conférence... Or, quelques mois plus tard, non seulement Roosevelt disparaissait, mais les "démocrates" étaient évincés de la plupart des pays des "marches de l'est" : Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie...
Comme Arthur Conte l'affirme en conclusion, à l'instar du 6 juin 1944 qui fut "le jour le plus long", le 11 février 1945 marquant la fin de la conférence, fut bien "le jour le plus lourd"... Et l'ironie de l'histoire est que le monde se libère de ses effets, alors qu'un autre Président, "illuminé" à son tour par la vocation des Etats-Unis pour la paix, ... se prend pour le chef d'une "croisade" contre le terrorisme dans le monde...