Le discours du Pape Benoît XVI à Ratisbonne le 12 septembre 2006 a engendré auprès des musulmans une polémique dont il est sincèrement navré... En fait, le Pape - ancien responsable de la Congrégation de la Foi auprès de son prédécesseur Jean-Paul II - s'est essentiellement comporté en cette circonstance comme un "professeur", en oubliant... qu'à son niveau suprême de responsabilité il lui fallait conserver une attitude "politique", c'est-à-dire admettre que "toute vérité n'est pas bonne à dire", même si elle est fondée...
Le Pape Benoît XVI a en effet raison quand il dénonce l'antinomie entre la foi et la violence, parce qu'il ne peut pas y avoir de contrainte en matière de croyance... Mais son analyse historique prenant comme exemple une controverse entre l'Empereur byzantin Manuel II Paléologue et un érudit persan au 15ème siècle sur l'utilisation du "glaive" dans le Coran est manifestement hors de portée du "commun des mortels" et peut "apparaître" comme une critique "partiale"...
En fait, les 3 religions "monothéistes" (judaïsme, christianisme et islamisme) ont beaucoup d'éléments communs : d'abord, la croyance en un Dieu unique, mais aussi des éléments importants de leurs doctrines, puisque le christianisme a repris à son compte l'Ancien Testament des Juifs (à quelques textes près...) et qu'ensuite l'islamisme s'est inscrit comme la prolongation - c'est-à-dire l'accomplissement - de l'Ancien Testament des Juifs et du Nouveau Testament des Chrétiens, reconnaissant un rôle majeur à Abraham, Moïse ...et Jésus, avec une place particulière à Marie...
Néanmoins, il y a eu des problèmes dans la mesure où, dans les 3 étapes, la religion "antérieure" n'a pas vraiment admis d'être "dépassée" et "accomplie" par la suivante... Il en a été ainsi des Juifs qui, dès les temps bibliques, avaient pratiqué "l'anathème" (Herem) contre les ennemis de leur foi et dont les prêtres du Temple ont fait exécuter Jésus par les Romains et ont ensuite dénoncé les "hérétiques" chrétiens, contribuant ainsi à leur persécution... Mais les Chrétiens eux-mêmes, alors que Jésus avait condamné la violence jusqu'au moment de son arrestation, n'ont pas hésité plus tard à recourir aux "croisades" et à "l'Inquisition"...Quant aux Musulmans, même si la "Djihad" (Guerre sainte) n'est d'abord conçue que comme un "combat défensif" (Sourate 2-256), il est clair qu'elle a été l'argument fondamental des conquêtes et des conversions forcées...
En contrepartie, il faut reconnaître qu'à l'époque actuelle des efforts considérables sont entrepris par les responsables "éclairés" des 3 religions monothéistes... Ces efforts se heurtent à de nombreuses difficultés en raison des oppositions doctrinales, non seulement d'une religion à l'autre, mais aussi des divisions internes de chaque religion... Cependant des initiatives se sont multipliées, notamment entre Chrétiens et Musulmans, comme le rappelle le journal La Croix du 18 septembre 2006 : Institut pontifical pour les études islamiques (1926), déclaration "d'estime envers les musulmans" du Concile Vatican II (1965), création d'une Commission pour le dialogue inter-religieux (1974), voyage de Je Jean-Paul II au Maroc (1985) puis à la Mosquée de Damas (2001), exhortation Apostolique "Ecclesia in Europa" (2003)...
Malheureusement, l'écart est encore considérable entre le comportement "éclairé" des responsables religieux et les réactions "primaires" des populations concernées... Certes, des communautés religieuses différentes peuvent vivre en "bonne intelligence" au niveau des quartiers, mais les exemples récents de la Bosnie et du Liban prouvent que le feu peut continuer à couver et qu'un incendie peut être rallumé par des extrémistes fanatiques, dont l'intolérance religieuse dissimule souvent d'autres objectifs... Et on comprend que le Pape Benoît XVI ait douloureusement ressenti des attentats divers contre les églises au Moyen-Orient et même l'assassinat d'une religieuse en Somalie, qui à la fois justifient son discours et en montrent le danger...