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23 septembre 2007 7 23 /09 /septembre /2007 10:58

   Jésus est assurément l'un des personnages les plus importants de l'histoire de l'humanité... Sa date de naissance s'est progressivement imposée à l'ensemble du globe pour le décompte du temps ...et sa vie terrestre, pourtant courte (33 ans), a suscité depuis des siècles une quantité innombrable d'ouvrages.
   
   La publication du livre de l'américain James Tabor (1) "La véritable histoire de Jésus" (Editions Robert Laffont 2007) n'a donc à priori rien d'extraordinaire...Elle se distingue néanmoins par le fait que l'auteur écarte délibérément tout dogme théologique, c'est-à-dire une manifestation transcendante et "divine", et s'en tient strictement à une étude historique, celle d'un "homme" qui, en dépit de son caractère exceptionnel, reste pour lui ce qu'il appelle un "être de chair" :

   - Cela commence par la "conception" même de Jésus... Marie n'étant que "fiancée" à Joseph avant son accouchement à Bethléem (Luc 2/5), on peut supposer que l'enfant n'a pas été conçu par ..."l'opération du Saint-Esprit", et l'auteur évoque même une hypothèse ancienne d'une liaison ou d'un viol avec un soldat romain, Pantera, - Joseph ayant eu la générosité de sauver Marie de la honte en l'épousant et en adoptant l'enfant...

   - Après la naissance de Jésus, Marie aurait eu d'autres enfants - dont 3 fils Jacques, Simon et Jude, qui sont d'ailleurs cités dans les Evangiles comme les "frères" de Jésus (Marc 6/3)... Comme Joseph disparaît des textes après la Présentation au Temple, il est possible que, conformément à la règle juive du "lévirat" imposant au frère d'un défunt d'épouser la veuve, Marie ait été remariée après le décès éventuel de Joseph à son frère Clophas, cité à plusieurs reprises dans son entourage...

   - L'auteur reconnaît ensuite que l'enfance et la jeunesse de Jésus jusqu'à 30 ans est mal connue, mais il suppose que Jésus a suivi le métier de Joseph et de Clophas, puisque, plus tard dans ses voyages, il sera reconnu ...et mal reçu à Nazareth où il avait vécu : "N'est-ce pas le fils du charpentier ?" (Matthieu 13/5), un charpentier qui a certainement travaillé dans les villes alors construites en Galilée par les Romains à Sepphoris et Tibériade, donc avec un statut social modeste qui expliquerait sa compassion pour les pauvres et son mépris des riches...

   - Jésus a toujours été dans le domaine religieux un juif pratiquant et n'a jamais été ..."chrétien", au sens de vouloir créer une "nouvelle religion"...Il a suivi à la fois l'exemple et l'enseignement de Jean-Baptiste, en qui il reconnaît "plus qu'un prophète" (Luc 7/26), c'est-à-dire un ..."Messie", ce qui signifie un envoyé de Dieu "oint par le Seigneur"... L'auteur rappelle à ce propos que le baptême et le "Notre Père" ont été institués par Jean-Baptiste...

   - Jésus ne commence réellement son enseignement qu'après l'exécution de Jean-Baptiste par le "roi" Hérode Antipas soucieux d'éliminer un "révolutionnaire" dangereux dans cette Palestine agitée où les Juifs ne reconnaissent pas sa "royauté" qui n'est pas issue de David... Jésus prend donc le relais de son ..."maître" et s'entoure alors de fidèles, notamment de 12 apôtres symbolisant les 12 tribus anciennes d'Israël... Il a d'autant plus de succès auprès des "foules" qu'il prêche la solidarité et manifeste des dons de guérisseur qui sont aussi d'exorciste, puisque la maladie était alors considérée comme possession du démon...

   - Mais pour autant Jésus n'affirme jamais qu'il est "Fils de Dieu" (l'appel à Dieu comme son Père est une marque de piété et non de "filiation")... Et, s'il parle du "Royaume de Dieu", c'est pour annoncer des temps nouveaux où les Juifs ne seront plus soumis à l'occupation romaine et retrouveront le "trône de David"... Mais précisément les Romains et leurs "collaborateurs" locaux - surtout les prêtres sadducéens - craignent par dessus tout un retour de la dynastie de David à laquelle Jésus est apparentée par ses parents... et c'est la raison essentielle pour laquelle, en raison de sa popularité (cf son entrée à Jérusalem...) Jésus est rapidement arrêté, jugé et exécuté de façon ignominieuse ...sans que Dieu intervienne : "Eloï, Eloï...Lama Sabactani " - Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné... (Matthieu 27/46-50)

   - L'histoire pourrait s'arrêter là, car ce n'est ni la 1ère fois ni la dernière fois que les Romains, en cette époque de "messianisme" intense chez les Juifs, exécutent des chefs rebelles...L'historien juif Flavius Josèphe en dénombre une douzaine, dont le dernier sera Bar Kochba en 135... De surcroît, s'agissant de Jésus, le tombeau provisoire où il avait été enterré à la hâte est retrouvé vide 3 jours après, car son corps a peut-être été transféré en secret en un autre lieu (2) pour éviter une manifestation de fidèles... et d'ailleurs ceux-ci, craignant pour leur propre vie, se sont dispersés...

   Mais l'histoire rebondit... Le danger passé, les "Nazaréens" (1ère appellation des fidèles) reviennent à Jérusalem et se regroupent "naturellement" autour de Jacques, frère puîné de Jésus : ce sont essentiellement des Juifs, respectueux comme Jésus des prescriptions de la "Loi"(ex: sabbat)...mais ils la dépassent par la "Foi" dans le "Royaume de Dieu" annoncé par Jésus comme proche, ce que refusent les Juifs orthodoxes... Alors il n'est pas encore question de la "Résurrection" de Jésus, et certains apôtres (comme Thomas) sont retournés à leurs activités anciennes (Jean 21/2-3)... 

   La notion de "Résurrection" n'apparaît qu'avec Saül devenu Paul, ancien persécuteur des Nazaréens (martyre d'Etienne)... qui a une vision du "Christ ressuscité" sur le chemin de Damas (vers 36), et va alors , avec la force d'un nouveau converti, se faire "l'Apôtre des Gentils", c'est-à-dire des "Non-Juifs"...et donner ainsi, à la faveur de nombreux voyages assortis de la création de nombreuses "communautés", sa 1ère forme à "l'Eglise"...ce qui fait de lui le véritable fondateur du "christianisme". Il est d'ailleurs l'auteur des 1ers textes du futur Nouveau Testament (Epîtres) car les Evangiles canoniques (Marc, Matthieu, Luc et Jean) ne seront écrits que dans le demi-siècle suivant son exécution avec Pierre à Rome sous Néron (62-64)... Le dogme chrétien, largement influencé par Paul, prendra alors sa forme connue évoquant "Jésus, conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie...qui a été crucifié, est mort, a été enseveli...a ressuscité le 3ème jour, est monté au ciel où il est assis à la droite du Père"... Cette théologie, étant fondée sur la "Foi" avec ce que cela comporte de mysticisme, échappe au "raisonnement " humain... Mais elle peut néanmoins donner lieu à des observations "historiques" :

   - Le dogme n'a cessé de varier ou d'évoluer depuis deux millénaires, ce qui s'est traduit par des "courants" nombreux et parfois contradictoires, en particulier sur un problème aussi fondamental que la "nature" de Jésus : à la doctrine devenue officielle du "vrai homme et vrai Dieu" se sont opposées des "hérésies", de l'arianisme niant la divinité de Jésus au monophysisme ne reconnaissant que le caractère divin... Et il serait trop long d'évoquer toutes les "églises" (chaldéenne, maronite, etc) se différenciant par des points de doctrine, ou s'étant séparées du "catholicisme" (Orthodoxes, Protestants, Evangélistes...)

   - Les personnages de Jean-Baptiste et de Jacques ont été "marginalisés", le 1er parce qu'il était difficile pour l'Eglise d'admettre que Jésus ait pu être son "élève" (elle en a fait seulement un "précurseur"), et le 2nd parce qu'il était également difficile de reconnaître que Pierre, fondateur de l'Eglise romaine et ...1er "Pape", avait reconnu, ainsi que Paul, son principal inspirateur, ...l'autorité de Jacques au premier Concile réuni à Jérusalem (50)...

   - Inversement, le personnage de Marie a pris des proportions sans commune mesure avec son rôle modeste... Elle a certainement accompagné Jésus jusqu'à sa mort, et elle a ensuite été honorée par les fidèles, notamment l'apôtre Jean... Mais la "divinisation" de son fils a conduit l'Eglise non seulement à la notion de "conception virginale" mais à la "virginité absolue", le corollaire un peu "facile" étant d'affirmer que les "frères" cités dans les Evangiles étaient en fait des "cousins" ou des ..."beaux-frères"... En fait, il apparaît que ces affirmations de "virginité" sont surtout la traduction de la "satanisation" de l'acte sexuel au Moyen-Age, ce qui n'était pas du tout le cas dans la Palestine antique...Or ce souci de purifier Marie du démon a été jusqu'à faire au 19ème siècle un dogme de "l'Immaculée Conception", c'est-à-dire d'affirmer qu'elle avait elle-même été conçue sans la trace du péché originel, pour pouvoir porter l'enfant Jésus sans ombre...

   Jésus a donc été certainement un personnage admirable, dont l'enseignement "humaniste" mérite le respect... Mais que d'histoires - bien "humaines"...Mon Dieu ! - on a racontées en son nom !...


(1) Chef du Département d'Etudes religieuses à l'Université de Caroline du Nord 

(2) Controverse actuelle à propos de la découverte de la "tombe de Talpiot" sur le Mont des Oliviers près de Jérusalem (1996), comportant un ossuaire avec la mention "Jésus fils de Joseph", car l'Eglise ne peut évidemment pas admettre, même comme simple hypothèse, que les ossements aient pu être ceux de Jésus...

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8 septembre 2007 6 08 /09 /septembre /2007 23:10

   Non, il ne s'agit pas de philosopher sur une oeuvre de Jean-Paul Sartre, mais de discuter, sur le même thème des rapports de Dieu et du Diable, d'un dossier présenté par la Revue du "Monde de la Bible" de septembre-Octobre 2007, faisant du Diable une invention humaine et lui attribuant donc une "existence" ...sans "essence"...

   Il est évident que les religions "monothéistes", étant fondées sur le principe d'un Dieu unique, accordent à celui-ci une puissance exclusive... Pour le judaïsme, Yaveh, ayant créé le monde, est la source des bonnes comme des mauvaises choses, dont il use en fonction du comportement des hommes... Le christianisme, de son côté,  évoque le Père Eternel qui, à travers la Trinité, manifeste sa sollicitude envers les hommes... Et l'islamisme est fondé sur l'affirmation de la seule volonté d'Allah, dont Mahomet n'est que le Prophète...

   Néanmoins, le Diable, sous des noms divers (Satan, Belzébuth, Lucifer, Bélial, Démon, Asmodée, etc...), est présent dans les 3 religions : dans la Bible hébraïque (Ancien Testament), le Prophète Zacharie évoque Satan qui "se dresse contre Israël" (Chroniques 21-1)... Dans les textes chrétiens (Nouveau Testament), Jésus est aux prises avec le Démon qui le défie dans le désert et il pratique contre lui des exorcismes qui contribuent à sa célébrité... Et le Coran lui-même parle de génies malfaisants ou "djinns"... 

   Cette "permanence" du Diable, sous quelque forme que ce soit, n'est à vrai-dire pas surprenante, si on se réfère aux religions anciennes qui se sont développées et ont longtemps perduré dans le Moyen-Orient sur la base d'un dualisme fondamental entre un Dieu du Bien et d'un Dieu du Mal : A Babylone Mardouk contre Tiamat, ...en Phénicie Baal contre Môt, ...et en Perse, la religion de Zoroastre (Zarathoustra) opposant la Lumière d'Ahura-Mazda aux Ténèbres d'Ahriman, qui connaît d'ailleurs un renouveau au 3ème siécla après JC avec le Prophète Mani, dont le nom a donné le "manichéisme"...

   En tout état de cause, qu'il y ait "unitarisme" ou "dualisme", il est frappant de constater que ces "puissances" - bénéfiques ou maléfiques - sont toujours "personnalisées"... D'ailleurs la Bible elle-même affirme que "Dieu a fait l'homme à son image", et comme l'homme se définit dans des "personnes", on peut en conclure logiquelment à la "personnalité" de Dieu... Certes les juifs et les musulmans se refusent à "représenter" Dieu,  mais ils s'adressent à lui comme à une personne... Et dans la Bible, Dieu lui-même, répondant à Moïse, affirme : Je suis celui qui est" (Exode 3-14) ... Les chrétiens vont plus loin, avec la notion de Trinité, c'est-à-dire de Dieu en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit... et ils n'hésitent pas à les "représenter" sous des formes d'ailleurs conventionnelles ( comme Dieu le Père en vieillard barbu...), de même qu'ils "représentent" le Diable (par exemple sous la forme d'un monstre aux pieds fourchus...)

   Cette "personnification" de Dieu et du Diable pose alors le problème de la nature de "l'Au-Delà" inaccessible aux hommes... car la personnification est en fait une "humanisation"... Autrement dit, qu'y-a-t-il ...au delà de la notion personnifiée de Dieu ...et du Diable ?... Y-a-t-il une "Immanence", un "Absolu", une "Autre dimension" transcendante, "l'Etre", ...à l'image du "Nirvana" du Bouddhisme qui est justement une religion ...sans Dieu ?...

   Ou n'y a-t-il tout simplement ..."Rien" , c'est-à-dire le "Néant"?... Une étude de la Revue Science-et-Vie de Septembre 2007 sur le Cerveau humain révèle des "potentialités" encore inconnues de celui-ci, et évoque notamment la propension de certains neurones à secréter le mysticisme, mais aussi à se dérégler pour donner ...la folie, ce qui rejoint la proximité parfois soulignée entre les deux notions... Et si "l'Au-delà" n'était qu'une création du cerveau humain ?...Et si, par conséquent, c'était "l'homme qui avait fait Dieu à son image" ?... Alors , il n'y aurait plus ni Dieu ni  Diable... Tout serait "illusion", comme le rêve dans le sommeil......

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15 août 2007 3 15 /08 /août /2007 00:15

   Que l'on soit croyant ou incroyant, quand on parle de "l'Orthodoxie" ...c'est pour évoquer le Schisme par lequel "l'Eglise orientale" s'est séparée en 1054 de l'Eglise "catholique" dirigée par le Pape à Rome... Autrement dit, on perpétue sans trop le savoir l'idée que "l'Eglise orientale " devenue "l'Eglise orthodoxe" est seule responsable de cette rupture qui perdure dans la Chrétienté depuis presque un millénaire... Et si cette idée couramment répandue - au moins dans le monde "occidental "- était fausse et manquait d'équité ?...

   Pour comprendre cette rupture, il faut commencer ...par le commencement du christianisme. A l'origine, celui-ci s'est développé là où il était né, c'est-à-dire en Orient, au sens des pays entourant l'Est de la Méditerranée... Les disciples de Jésus, et notamment les apôtres qui étaient de "juifs convertis" chassés de Jérusalem, s'étaient dispersés dans les pays proches, en particulier dans les cités importantes comme Alexandrie, Antioche, Ephèse, Corinthe..., suivant en cela les "juifs...orthodoxes" qui s'étaient installés avec la "Diaspora" sur le pourtour de la Méditerranée... Les "chrétiens" s'étaient regroupés comme eux en "communautés", auxquelles ils remettaient leurs biens et où ils pratiquaient ensemble un culte inspiré par le souvenir de l'enseignement de Jésus qui avait prédit l'arrivée prochaine du "Royaume de Dieu"... Et comme celui-ci tardait à arriver..., ils s'étaient progressivement organisés, en mettant par écrit entre 70 et 100 dans les Evangiles (mot signifiant "Bonne Nouvelle") les souvenirs jusqu'alors transmis oralement, ... et en se choisissant des responsables ou "épiscopes" (mot ayant donné "évêques") : parmi ces derniers, les plus importants devinrent naturellement ceux des métropoles déjà évoquées, auxquelles s'ajoutèrent Rome, après les voyages de Paul, et Byzance devenue Constantinople au 4ème siècle avec l'Empereur Constantin qui fit du christianisme en plein essor la religion de l'Empire Romain...

   Dès cette époque, en raison même de la rivalité entre "l'ancienne Rome" et la "Nouvelle Rome", apparaît une rivalité entre le "Pape" - qui n'est encore que "l'évêque de Rome" - et les "Patriarches" orientaux... mais cette rivalité est sans conséquence, car l'esprit de "communauté" prévaut toujours et les décisions importantes sont prises en "collégialité " à l'occasion de "Conciles" où le Pape n'a qu'une primauté nominale due au fait qu'il est le "successeur de Pierre", conformément aux propos prêtés à Jésus : "Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise" (Matthieu 16-19)...

   Mais l'Empire se disloque au 5ème siècle avec les "invasions barbares", et il ne subsiste de l'Empire Romain que "l'Empire d'Orient", appelé plus tard "byzantin", dont les Empereurs et les Patriarches considèrent avec condescendance les "royaumes" nouveaux de l'Occident... Ce n'est pas par hasard que le Pape Léon III couronne Charlemagne comme Empereur en 8000, car l'un et l'autre y retrouvaient un prestige perdu par rapport à l'Empire d'Orient... Et d'ailleurs le rapport d'influence s'inverse à nouveau entre l'Empire byzantin, diminué et affaibli par les conquêtes arabes (seules subsistent la Grèce et une partie de l'Asie Mineure), et l'Occident où le Pape en profite pour s'ériger en chef suprême de la Chrétienté, au mépris de la "collégialité" d'origine... D'où la multiplication des différends qui aboutit au "Schisme" en 1054, en raison de l'hostilité personnelle entre Cérulaire, Patriarche de Constantinople, et Humbert, légat du Pape Léon IX, qui "s'excommunient " réciproquement (c'est-à-dire se rejettent de la "communion")... Néanmoins, tout n'était pas perdu, mais les tentatives de réconciliation échouent définitivement quand le Pape Innocent III, fervent du "césaropapisme", veut imposer la "théocratie" pontificale non seulement aux souverains mais à toutes les Eglises et lance la 4ème croisade qui saccage Constantinople (1204) et consomme la rupture avec l'Eglise d'Orient...

   Et depuis lors le désaccord subsiste : l'Eglise d'Occident se revendique "catholique" (c'est-à-dire "unitaire") alors que la division est consommée, ...et l'Eglise d'Orient se veut "orthodoxe" (c'est-à-dire "droite dans la foi"), signifiant ainsi que c'est l'Eglise d'Occident et non l'Eglise d'Orient qui est partie de la "communauté" chrétienne...

   Ce maintien des traditions communautaires d'origine a ainsi conduit l'Eglise orthodoxe à conserver une structure "collégiale", où les Eglises territoriales ( Grèce, Chypre, Serbie, Pologne, Russie,etc...) sont "autocéphales" (c'est-à-dire indépendantes) avec leurs propres synodes choisissant les diacres, prêtres, évêques et primats dont les plus imprtants portent le titre de "Patriarches"... Et elle reste fidèle à une liturgie ancienne : célébration des fêtes à partir de la veille au coucher du soleil suivant l'usage sémitique (comme les juifs...), signe de croix de droite à gauche (primauté divine de la droite...), avec le pouce, l'index et le majeur accolés (signe de la Trinité) et les deux autres doigts repliés(signe de la Double nature), représentation codée religieusement (et non "artistiquement") du Christ, de Marie et des Saints dans des "icônes" qui sont le plus souvent "visibles" sur un mure de séparation entre le choeur et la nef des églises (l'iconostase).

   Cette fidèlité aux traditions l'a amenée en contrepartie à rejeter les "nouveautés" apportées par l'Eglise romaine en dehors de toute décision conciliaire : refus du "Filio-que" suivant lequel le Saint-Esprit procèderait du Père et du Fils et non directement du Père ...Refus de la notion de "grâce" divine ne laissant pas de place à la liberté de l'homme ... Refus de considérer "l'Immaculée Conception" de Marie comme un dogme, car le culte de Marie doit être limité à son privilège d'être la "Mère de Dieu" (en grec : Théotokos)...Il en est de même de "l'Assomption" fêtée le 15 août par les catholiques pour célébrer sa montée au Ciel "corps et âme", alors que pour les orthodoxes, il y a eu seulement "Dormition" avec seulement "Sommeil" et "Elévation de l'âme"... Et évidemment refus de la primauté du Pape et à fortiori du dogme de "l'infaillibilté pontificale" proclamée en matière de doctrine de la Foi en 1870...

   Ainsi peut-on comprendre mieux l'importance de la rupture entre 'l'Eglise catholique" et "l'Eglise orthodoxe"... Néanmoins les deux Eglises, malgré le "Schisme",  ne se sont jamais considérées comme mutuellement hérétiques, et reconnaissent les mêmes sacrements... L'Eglise orthodoxe a rejoint le Conseil oecuménique des Eglises en 1961... Paul VI et Athénagoras se sont rencontrés à la fin du Concile Vatican II en 1965 et ont alors levé les excommunications de 1054... Jean-Paul II a rendu visite à Démétrios 1er à Istanbul (Constantinople...) en 1979... et il a retiré le "Filio-que" de la lecture du Credo, ainsi que son successeur et actuel Pape Benoît XVI... Mais le dilemme fondamental entre la "prééminence" et la "collégialité" n'est toujours pas réglé, et pourra-t-il l'être ?...

  

  

  

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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 09:20

   L'association des deux mots dans le titre même de cet article peut surprendre, car ils évoquent des réalités traditionnellement considérées comme antinomiques... Mais c'est justement là que se trouve le problème, dans la mesure où il s'en faut de beaucoup que la sexualité et la religion aient toujours été opposées...

   En effet, dès les temps préhistoriques, les hommes ont laissé des traces - et notamment des gravures rupestres - attestant sans la moindre ambiguïté que la sexualité avait une place naturelle dans les préoccupations sociales et qu'elle était associée aux cultes primitifs... Et il en est de même dans les premières "civilisations" (Mésopotamie, Egypte, Grèce, Rome...) où les écrits comme les arts ne traduisent pas la moindre gêne vis-à-vis du sexe... D'où vient donc cette "diabolisation" de la sexualité dans la religion ?...

   La réponse semble évidente : il s'agit d'un effet de la "civilisation judéo-chrétienne", où le judaïsme et le christianisme se sont relayés pour marginaliser cet "élément de la nature humaine"... Mais, en fait, ce n'est pas le cas, car la Bible et les traditions qui y sont rattachées montrent ...le contraire :

   - Les organes génitaux sont considérés comme ...fondamentaux dans les textes les plus anciens. Qu'on se le dise !

     Deutéronome 23-1 : "L'homme aux testicules écrasés ou à la verge coupée ne sera pas admis à l'Assemblée de l'Eternel"...

   - Le Dieu des Juifs fait de la circoncision (c'est-à-dire de l'ablation du prépuce) la base de son alliance :

     Genèse 17-9/14 : "A l'âge de huit jours, tout mâle parmi vous sera circoncis, et ce sera un signe d'alliance entre moi et vous... Un mâle incirconcis sera exterminé du milieu de son peuple : il aura violé mon alliance"...

   - Les hommes ont l'obligation de procréer, et la non-procréation est une faute :

     Genèse 1-28 : "Homme et femme, Dieu les créa, les bénit et dit : croissez et multipliez ! "...

   - L'amour sexuel n'est pas considéré comme un péché dans le judaïsme, et même il est glorifié :

     Cantique des Cantiques 1-1/5 et 4-1/13 : "Qu'il me baise des baisers de sa bouche, car ton amour vaut mieux que le vin"... "Tes deux seins sont comme des faons... Qu'ils paissent au milieu des lis" ... "Tes jets forment un jardin, où sont des grenadiers"

   - Les ...poils ont une importance particulière, comme marque de virilité et de fait les prophètes et à leur suite les rabbins portent la barbe ... Il en est de même pour Jésus et les Apôtres... Et plus tard, les musulmans, héritiers des juifs, préciseront qu'elle ne doit pas dépasser la largeur d'une main à partir du menton, et que la taille fait partie des 5 ablations traditionnelles avec les ongles, les poils du pubis et des aisselles et la circoncision...

   Et on pourrait citer encore d'autres textes... Alors ?

   Alors, il faut d'abord convenir que la Bible, sans proscrire le sexualité, en condamnait les excès et les déviances :

     Deutéronome 22-23/24 : "Si une jeune fille vierge est fiancée, et qu'un homme la rencontre dans la ville et couche avec elle, vous les amènerez tous deux à la porte de la ville et vous les lapiderez, et ils mourront, la jeune fille pour n'avoir pas crié dans la ville (!!), l'homme pour avoir déshonoré la femme de son prochain"...

     Par ailleurs, Dieu fait mourir Onan et réprime les viols (Samuel 1-3 et Genèse 34-2)... La "morale" n'est donc pas absente de l'Ancien Testament, et elle le sera de moins en moins avec les chrétiens dans le Nouveau Testament : dans les Evangiles, Jésus prône l'amour du prochain et ne formule aucun interdit, le texte montrant d'ailleurs qu'il est entouré de femmes jusqu'à sa mort... Mais avec Saint Paul et les Pères de l'Eglise - Jérôme, Augustin, Ambroise, Athanase - la notion de péché est de plus en plus liée aux pratiques du sexe... Le mariage lui-même est méprisé :

   Saint Paul : "Le célibat est un état plus chrétien puisqu'il n'impose aucune obligation terrestre susceptible d'entraver le dévouement au Seigneur"...

   Et la place de la femme, importante dans les 1ères communautés chrétiennes, recule au point de faire d'elle "la mère de tous les vices" :

   Tertullien (155-225) affirme qu'elle a perdu le genre humain : "Tu es la porte de l'enfer ! C'est à cause de toi que le Fils de Dieu a dû mourir"... Car le corps féminin représente un obstacle permanent au salut ..."la chair humaine qui naît de la concupiscence est une chair de péché... L'union des sexes transmet le péché originel à l'enfant"... Fermez le ban !!!

   Ce n'est donc pas un hasard si le célibat des prêtres est instauré par l'Eglise catholique vers l'an 1000 (la peur de la fin du monde jouant aussi un rôle...), alors qu'il n'est pas prévu dans les Evangiles et ne sera d'ailleurs jamais demandé dans l'Eglise orthodoxe... Ce n'est pas davantage un hasard si le mariage ne devient un "sacrement" qu'à partir du 13ème siècle, il est vrai "aux seules fins de la procréation"... Et de toutes façons il n'est jamais question de "plaisir", et tous les comportements sexuels "illégitimes" et "contre-nature" sont sévèrement condamnés, avec ...toute une échelle de sanctions (prière, pénitence, jeûne...)... Même le "coïtus interruptus" (sic) est réprimé !...

   Certaine "esprits forts" de notre époque, se voulant affranchis de l'influence religieuse, pensent qu'après tout "cela n'est plus qu'une affaire de curés" et en profitent pour mettre le "Christianisme en accusation"... Mais ils se trompent, car la morale "rigoriste" avait depuis longtemps dépassé le cadre de la religion chrétienne, et imprégnait profondément toute la société... René Rémond, dans un livre consacré à ce sujet, rappelle que "l'Eglise avait hérité de tout un passé rigoriste et janséniste qui perdura jusqu'à l'après-guerre et le Concile Vatican II... Mais elle n'était pas la seule ! Longtemps la morale laïque, celle des instituteurs de la 3ème République comme des savants, ne présentait guère de différences avec la morale catholique et n'était guère moins rigoureuse... Ainsi les divorces étaient peu nombreux et pesait sur eux une sorte d'opprobre qui n'était pas liée aux seules considérations d'ordre religieux. Quant à l'homosexualité, il n'en était tout simplement pas question. Aussi la dureté du langage de l'Eglise ne choquait pas"... On peut d'ailleurs ajouter que la place inférieure de la femme, héritée de l'Eglise, n'est toujours pas conjurée, et que "l'égalité des sexes" n'est toujours pas réalisée, notamment en France - la patrie des droits de ..."l'homme" - où il a fallu attendre 1945 pour reconnaître des droits civiques à la femme...

   Et il faut attendre effectivement le Concile Vatican II en 1963 et les événements de Mai 1968 qui s'engouffrent dans la brèche pour que cette "morale" rigoriste et machiste soit ébranlée : "Il est interdit d'interdire..." On connaît la suite !... Mais on peut penser aussi, à la lumière d'une histoire millénaire, que les "libérateurs" (?!) n'ont rien inventé, et qu'ils ont encore du travail, à commencer par ...l'Eglise !...

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20 juillet 2007 5 20 /07 /juillet /2007 17:19

   Sous ce terme ésotérique quelque peu "barbare" sont désignés les textes se rapportant à une religion, mais non reconnus par celle-ci. C'est notamment le cas de nombreux textes écrits pendant une grande période d'activité intellectuelle entre le 2ème siècle av.JC et le 4ème siècle ap.JC, en particulier dans les villes structurant alors la civilisation dans le monde méditerranéen : Jérusalem, Antioche, Alexandrie, Athènes ...et Rome. Les plus connus sont les Apocryphes des Juifs et des Chrétiens : ceux des Juifs concernent les textes qui n'ont pas été retenus dans la Torah quand le judaïsme, jusqu'alors divisé en courants divers (dont les Esséniens avec les Manuscrits de la Mer Morte...), s'est réorganisé après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple par les Romains (70 ap.JC) en une doctrine dite "rabbinique" parce qu'elle fut élaborée et enseignée par les rabbins dans les synagogues... Ceux des Chrétiens sont le plus souvent des textes judéo-chrétiens - c'est-à-dire de juifs convertis au christianisme mais continuant à respecter la Loi juive et ses applications (comme la circoncision...), et ayant été progresssivement éliminés sous la double pression des juifs orthodoxes et des pagano-chrétiens qui s'étaient multipliés parmi les païens (dits "Gentils") avec les voyages et prédications de Saint Paul au 1er siècle... S'y ajoutent plus tardivement des textes "gnostiques" provenant des mystiques installés en Egypte...

 

   En fait les Apocryphes chrétiens ne sont d'abord que des écrits émanant de communautés dispersées dans l'Empire Romain... En l'absence de "dogme" - Jésus-Christ n'ayant rien "écrit" ou "fait écrire " ( à la différence  d'Allah ayant dicté le Coran au Prophète Mahomet par l'intermédiaire de l'Ange Gabriel au 7ème siècle...) - les textes "chrétiens" se sont alors multipliés sous toutes les formes, des simples témoignages aux hagiographies enjolivées de miracles et de merveilles : d'abord considérés comme des textes d'inspiration divine ("apocryphe" = "secret") , ils ont ensuite été rejetés  à l'instigation des "Pères de l'Eglise" (Irénée de Lyon, Ambroise de Milan, Augustin d'Hippone, Athanase d'Alexandrie...) qui ont permis l'élaboration des textes "canoniques" du Nouveau Testament : les 4 Evangiles (Marc, Luc, Matthieu et Jean), les Actes des Apôtres, les 14 Epîtres attribués à Paul, une Epître de Jacques, 2 Epîtres de Pierre, 3 Epîtres de Jean, une Epître de Jude et l'Apocalypse de Jean... Les textes rejetés ont alors été souvent perdus ou remaniés, mais certains ont subsisté, en laissant des traces dans "l'imaginaire" chrétien, comme les animaux de la Crèche ou encore l'image de Jésus aidant son père (adoptif...) Joseph comme charpentier...

   La plupart des Apocryphes chrétiens sont consacrés à Jésus de sa "Conception" même à sa "Résurrection" :

   - Le texte le plus ancien (avant 70) a disparu : appelé par les théologiens la "source Q" (allemand Quelle = source), il était antérieur aux Evangiles canoniques, puisque Matthieu et Luc s'en sont inspiré, notamment pour les "sentences" de Jésus et le récit des "tentations"...

   - L'Evangile de Pierre (2ème siècle), en partie perdu, ne comporte plus que l'histoire de Jésus de son Procès à la Résurrection : c'est un texte 'judéo-chrétien" de Syrie qui condamne sévèrement les prêtres juifs qui n'ont pas reconnu le "Seigneur", qui est présenté comme un Dieu triomphant, à la différence du Jésus doux et humble des Evangiles canoniques...

   - Les Evangiles des Nazaréens, des Ebonites et des Hébreux (fin 2ème siècle) ne subsistent que par fragments qui révèlent leur nature judéo-chrétienne par le maintien de la soumission à la Loi juive, mais soulignent aussi la sollicitude de Jésus envers les pauvres et les malheureux, à l'instar des Evangiles canoniques...

   - Le Protévangile de Jacques (fin 2ème siècle) est encore appelé la Nativité de Marie, parce qu'il remonte à la conception miraculeuse de Marie (préfiguration de l'Immaculée Conception...) et est centré sur la naissance de Jésus dont le nom est un symbole (Jeschua= celui qui sauve)...

   - L'Evangile de Thomas est un texte composite puisque, ayant été écrit au 2ème siècle, il a été révisé au 4ème siècle par les "Gnostiques", mystiques de l'Egypte croyant à la possibilité pour les hommes d'atteindre la connaissance divine. Il se présente d'ailleurs comme un recueil de "sentences secrètes" de Jésus...

   - L'Evangile de Judas, récemment redécouvert, est un autre texte gnostique (entre 2ème et 4ème siècles) qui a fait scandale dans le monde dans la mesure où il prend le contrepied des Evangiles canoniques en présentant Judas non pas comme le "traître" mais comme le seul vrai disciple de Jésus, sa prétendue traîtrise n'ayant été que l'obéissance à Jésus voulant être débarrassé de son "enveloppe humaine"...

   - Les Actes de Pilate sont une reconstitution tardive d'un érudit du 4ème siècle ayant voulu réhabiliter ...Pilate, qui aurait cherché à sauver Jésus accablé par les chefs juifs du Sanhédrin, ce que n'excluent d'ailleurs pas les Evangiles canoniques... Le texte se poursuit avec les aventures de Joseph d'Arimathie, poursuivi pour avoir enseveli Jésus...

   - L'Evangile de Marie a une place très particulière, car il s'agit non pas de Marie, mère de Jésus, mais de Marie-Madeleine, à qui est accordée une place prééminente, qui aurait fait d'elle le "disciple par excellence", ainsi que "celle que Jésus aimait plus qu'aucune autre femme"...

   Cette liste des Apocryphes n'est pas exhaustive, car il faudrait y ajouter une bonne vingtaine d'autres textes d'intérêt inégal, comme l'Evangile de Philippe, l'Evangile secret de Marc, deux Apocalypses (Esdras et Sedrah), les Actes de Paul (où il est assimilé à Jésus...) ainsi qu'une Histoire de l'enfance de Jésus, déconcertante car elle met en scène un Jésus turbulent et vindicatif...

   Devant une telle accumulation de textes, et alors que des hérésies se multipliaient, on comprend que l'Eglise - surtout après la reconnaissance du christianisme comme religion de l'Empire romain au 4ème siècle - ait souhaité "mettre de l'ordre". L'ennui est qu'à la floraison des textes et des idées s'est alors substitué un "dogme" rigide et exclusif, c'est-à-dire une sorte de "totalitarisme" religieux qui va traverser les siècles...

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9 juillet 2007 1 09 /07 /juillet /2007 23:01

   Qu'il s'agisse du domaine religieux ou du domaine laïc, et que l'on soit chrétien ou athée, il est toujours réjouissant de constater des efforts vers l'unité, dans un monde déchiré depuis des siècles par des divisions...

   En l'occurrence, le Pape Benoît XVI a décidé par un "motu proprio" publié le 7 juillet 2007 de "libéraliser" le Missel de Saint-Pie V, c'est-à-dire d'autoriser le retour à une liturgie pratiquée avant le Concile Vatican II, sans pour autant revenir sur les principes définis par celui-ci... Cela signifie qu'il tend une main "fraternelle" aux "traditionalistes" qui avaient naguère suivi Monseigneur Lefebvre, et le geste est d'autant plus significatif que Benoît XVI avait alors été, sous le nom de Cardinal Ratzinger, responsable de la Congrégation de la Foi à Rome, celui qui avait échoué en 1988 dans sa tentative d'empêcher la rupture...

   Cette volonté d'unité n'est pas nouvelle de la part de la Papauté : déjà Jean XXIII avait invité des représentants des églises séparées comme observateurs au Concile Vatican II, et Paul VI et Jean-Paul II avaient multiplié les initiatives "oecuméniques"... Le Pape Benoît XVI continue simplement dans la même voie, non sans courage et abnégation, car il s'expose à la fois aux rebuffades éventuelles des autres églises et aux récriminations de ses propres fidèles qui peuvent lui reprocher de rompre ainsi "l'unité" de l'Eglise catholique :

   - Pour une majorité de fidèles, il faut bien voir que cette mesure du Pape est interprétée de façon limitative comme un retour à la "messe en latin"... Et les discussions vont déjà bon train entre ceux qui considèrent que le latin utilisé depuis des siècles avant 1970 a toujours été un élément "d'unité" de l'Eglise, permettant de suivre la messe, quelle que soit la langue du pays, ... et ceux qui, au contraire, estiment que la messe est plus compréhensible et plus proche des fidèles dans leur propre langue... En fait ce problème de langage a toujours été superficiel, car l'essentiel est dans la liturgie elle-même... Et l'utilisation du langage est d'autant moins important qu'autrefois le Missel comportait à la fois le latin et la langue du pays, - le latin étant le plus souvent compréhensible à l'image de "Pater Noster", "qui es in caelis", "Peccata mundi", "Dominus vobiscum", "Et cum spiritu tuo", "Ite missa est" et bien entendu "Amen" !...

   - Plus importante est certainement la disposition matérielle prévue pour les offices, et notamment "l'orientation" du prêtre... En effet, dans la liturgie ancienne, le prêtre était tourné, comme les fidèles, vers le tabernacle au fond du choeur, c'est-à-dire vers ...Dieu. Or, dans la liturgie du Concile Vatican II, le prêtre est tourné vers ...les fidèles, ce qui a d'ailleurs entraîné le plus souvent la construction d'un nouvel autel où la prêtre tourne le dos au tabernacle, donnant ainsi la priorité à la "communion avec les fidèles"... Alors, le choix entre Dieu et les hommes ?...Tout un symbole !...

   - Enfin, pour les spécialistes du droit canon, la réhabilitation du Missel de Saint-Pie V - dit "Tridentin" - tient compte de la correction apportée par Jean XXIII en 1962 à la liturgie du Vendredi Saint, supprimant le terme latin "perfidis" qui désignait jusqu'alors les Juifs, non sans une connotation antisémite, bien que ce terme signifiât seulement "ne croyant pas à la messianité de Jésus"... Mais évidemment le texte ne peut aller plus loin, puisque les Chrétiens et les Juifs ne se rejoindront sur ce point qu'au jour du Jugement dernier, car seulement alors le Messie viendra pour les Juifs et reviendra pour les Chrétiens (la Parousie)...

   En attendant... et dans l'immédiat, il est déjà bien de rechercher une unité entre les chrétiens , et de le faire avec humilité, en n'imposant pas aux autres de renoncer à leurs convictions... Car l'unité n'est pas l'uniformité, une telle formule n'étant d'ailleurs pas limitée au seul domaine religieux...

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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 22:24

   Dieu a toujours été présent dans la politique... Sous quelque forme que ce soit (animisme, polythéisme, monothéisme), une "puissance supérieure" a de tous temps été invoquée par les hommes : dans l'Antiquité, Hammourabi consacre son Code à Mardouk, Ramsès II dédie ses temples à Amon, les Hébreux sont le peuple de Yaveh, les Grecs invoquent Zeus assimilé ensuite à Jupiter par les Romains, et au 16ème siècle les Grandes Découvertes font connaître le culte des Aztèques à Quetzalcoat... La France est elle-même un bon exemple des rapports - favorables ou hostiles - entretenus avec Dieu, puisqu'elle a connu successivement la "monarchie de droit divin"...et son abolition par la Révolution, puis "l'union du trône et de l'autel" avant que la lutte entre la laïcité et le cléricalisme aboutisse à la "séparation de l'Eglise et de l'Etat"...

   Néanmoins il ne faut pas confondre la "monarchie" avec la "politique" dans la notion de "droit divin", car cette notion a une histoire complexe , à en juger par le témoignage - même en partie légendaire - de la Bible... En effet, au début de leur histoire, les Hébreux ont eu des ancêtres ou des prophètes tutélaires (Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Isaïe...), mais n'avaient pas de "rois"... Et même, les textes les plus anciens les mettent en garde contre l'institution royale, car leur Dieu Yaveh est jaloux et un "monarque" peut leur faire oublier que leur seul roi légitime est Dieu, comme le souligne le prophète Samuel (1 S 8-18) : "Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi, mais ce jour-là le Seigneur ne vous répondra point"... A la faveur de l'affaiblissement des "grandes puissances de l'époque" (Egypte, Mésopotamie), la monarchie est cependant créée chez les Hébreux, comme elle l'est d'ailleurs dans d'autres peuples du couloir syro-palestinien (Aram, Moab, Ammon, Edom...) : c'est l'histoire de Saül, David et Salomon (début 1er millénaire av.JC) que Yaveh protège seulement s'ils respectent sa Loi, c'est-à-dire s'ils remplissent leur mission d'assurer un "ordre juste"...

   De fait, cette "royauté" ne dure pas, en raison de l'occupation successive des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs et des Romains, ...ce que traduisent les Hébreux désormais dénommés Juifs comme une punition de Dieu pour leurs péchés : de là découle leur espoir d'un "Roi-Messie" qui les sauvera en leur rendant leur "Terre Promise"... Arrive Jésus, qui ne se préoccupe ni de l'occupation romaine ( " Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César"...), ni de la restauration d'un royaume terrestre ( "Mon Royaume n'est pas de ce monde"...), et qui n'est donc pas reconnu comme le "Messie" par les Juifs qui le livrent aux Romains pour son exécution... Et ensuite les chrétiens sont persécutés dans le monde romain parce qu'ils ne reconnaissent pas le "culte impérial" où l'Empereur s'assimile à un dieu... jusqu'à ce que, finalement, le christianisme soit adopté par Constantin (Edit de Milan 313)...

   Commence alors une collaboration entre le "pouvoir temporel" des responsables politiques - Empereurs, rois ou princes... - et le "pouvoir spirituel" représenté par le Pape et les évêques... Ceux-ci apportent "l'onction" par le "sacre", à l'instar de Clovis par l'évêque Rémi à Reims ou de Charlemagne par le Pape Léon III à Rome... Mais cette collaboration est souvent conflictuelle, en raison de la volonté de domination soit du Pape (ex: Innocent III et le "césaropapisme"...) soit des empereurs ou des rois (Querelles avec le Saint-Empire Romain Germanique, gallicanisme en France, anglicanisme en Grande-Bretagne )... En France, Napoléon 1er mettra fin à un conflit prolongé par le Concordat (1801), encore en usage en Alsace-Moselle, avant que soit instaurée la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905)...

   Evidemment, un siècle après, la tentation est grande de savoir où en est "Dieu" dans la "politique" actuelle, du moins en France... Bien entendu, la laïcité continue à être respectée puisqu'elle est garantie par la Constitution, ce qui signifie la tolérance envers toutes les religions sans n'en privilégier aucune... La même indépendance est d'ailleurs pratiquée aussi au niveau de l'Europe puisque le Traité Constitutionnel ...et le Mini-Traité écartent toute référence chrétienne, au grand mécontentement de la Papauté... Mais il n'en reste pas moins vrai que les responsables politiques sont encore imprégnés de principes religieux, ce qui réserve des surprises :

   - François Bayrou, qui reste un héritier de la "Démocratie chrétienne" s'inspire du Chapitre 16 du Lévitique quand il condamne la politique du "bouc émissaire" notamment à propos des enseignants : "vous vous souvenez ce qu'était aux temps bibliques le bouc émissaire. Quand le peuple allait mal, quand il se sentait oppressé par ses fautes, on allait chercher un bouc, on le chargeait de tous les péchés du monde... et on allait le perdre dans le désert"... Et il se souvient de Jésus quand il prône l'amour du prochain :"Ce peuple, il faut non pas le suivre, mais le comprendre, le respecter, il faut l'aimer"...

   - Nicolas Sarkozy, quand il écrit : "De Gaulle n'a pas dit à la jeunesse allemande : vous êtes coupables des crimes de vos pères" se souvient manifestement d'Ezéchiel (18-20) qui avait affirmé :"Un fils ne portera pas la faute de son père, ni un père la faute de son fils: au juste sera imputée sa justice, et au méchant sa méchanceté"...

   - Mais c'est surtout ... Ségolène Royal qui multiplie les références religieuses :

      * " N'ayons pas peur" : injonction fréquente dans la Bible, reprise souvent par le Pape Jean-Paul II...

      * "Aidez-moi à tracer ce chemin" : voir Isaïe (57-14) - "Frayez un chemin, ôtez l'obstacle du chemin de mon peuple"...

      * " Nous allons gravir la montagne jusqu'à la victoire" - voir l'Exode, où Moïse monte au Sinaï pour rencontrer Dieu...

      * " Il y aura des chutes, mais nous nous relèverons" - On pense au Chemin de Croix, où Jésus tombe trois fois...

      * Et comment ne pas constater que sa proclamation - affichée - de "l'ordre juste" était le décalque de la mission des rois d'Israël, rappelée par le prophète Samuel (2 -8-15) "David règna sur tout Israël, faisant droit et justice à tout son peuple"...

   Ainsi on ne se sépare pas si facilement de "Dieu" dans la "politique"... A "droite", on peut le comprendre, car ce côté a toujours été considéré comme le côté favorable ("Etre assis à la droite de Dieu"...)., mais à "gauche", qui a été dans l'histoire religieuse le côté méprisable , voire satanique (celui de "l'Enfer"...), c'est vraiment un comble...

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8 juin 2007 5 08 /06 /juin /2007 15:20

   L'archéologie religieuse, à ses débuts, avait le seul souci de prouver sur le terrain que la Bible disait vrai, et de fait la Bible fourmille de précisions géographiques et historiques qui sont incontestables... Mais pour autant de nombreux récits ont un caractère légendaire (Abraham, Moïse, Josué, etc...) et sont donc invérifiables... Et ceci n'a rien d'étonnant car la Bible est un "Livre de Foi" destiné à marquer "l'Alliance avec Dieu", et n'a jamais prétendu raconter "l'Histoire" telle qu'on la connaît actuellement avec des critères objectifs... La contrepartie est que les critiques ont beau jeu de souligner les "erreurs" et d'en tirer des conclusions négatives sur la valeur de ce texte religieux.

   C'est notamment le cas pour la vie de Jésus-Christ, qui n'a rien écrit lui-même et n'est connu que par les témoignages tardifs des Evangiles, rédigés entre 40 et 60 ans après sa mort... Comme de surcroît ces témoignages avaient seulement pour but d'annoncer la "Bonne Nouvelle", celle de sa mission de "Sauveur", ils sont très imprécis sur sa "biographie" qui ne peut être reconstituée que par "bribes"... Et dans ces "bribes", il y a une femme qui revient à plusieurs reprises sous le nom de Marie-Madeleine et dont la "présence" a suscité les interprétations les plus diverses, allant même jusqu'à en faire "l'épouse de Jésus"...ce qui, évidemment, ne manque pas d'alimenter la presse ou la littérature à sensation, voire à donner lieu à des films ou des documentaires "à grand profit"... Qu'en est-il vraiment ?...

   D'abord, il faut partir du nom même de "Marie" : ce nom et ses diverses variantes viennent du latin "Maria", assimilé lors de la conquête romaine au terme sémitique "Myriam" utilisé par les juifs comme plus tard par les Arabes... C'était alors - et c'est encore - un nom fréquent : dans le Nouveau Testament, on en relève ... six, non sans une certaine confusion : bien sûr Marie, épouse de Joseph et mère de Jésus... mais aussi... Marie la pécheresse évoquée par Luc (7-44/50),... Marie dite de Béthanie, soeur de Marthe et de Lazare (le "ressuscité") évoquée par Jean (11) et Matthieu (26-6/13),... Marie dite Salomé, mère de Jean et de Jacques le Majeur,... Marie dite Jacobé, femme de Clopas et mère de Jacques le Mineur, ces dernières évoquées par Marc (15) et supposées être les soeurs de Marie, mère de Jésus... Enfin il y a Marie de Magdala (sens incertain : "de la Tour" ?), devenue Marie-Madeleine : cette femme, ancienne "courtisane" que Jésus a libérée de ses"démons", l'accompagne effectivement Jésus au cours de ses périples ... elle est témoin de sa Passion... et surtout elle est le 1er témoin de sa Résurrection ( Jean 20 - Noli me tangere). Elle avait donc une relation "particulière" avec Jésus...

   Il faut dire que les femmes ont eu une grande importance dans l'entourage de Jésus. Elles y sont plus "actives" que les hommes dans les Evangiles, et, à l'exception de Jean ("celui que Jésus aimait"), elles sont seules à assister à sa Passion et à sa mise au tombeau, alors que les hommes - et notamment les apôtres - se sont enfuis, ou l'ont renié comme Pierre... Mais de là à faire de Marie-Madeleine "l'épouse de Jésus", il y a tout de même une marge... Certes, Jésus a été considéré par les Juifs comme un "Rabbi", et à l'époque un "Rabbi" devait être marié pour "enseigner", car un homme non marié était un homme "incomplet" n'ayant pas encore satisfait au commandement de Dieu "Vivez et prospérez"... Certes, l'évangile "apocryphe" de Philippe évoque un "baiser sur la bouche" de Jésus à Marie-Madeleine... Certes, des exégètes ont pu affirmer que les Noces de Cana auraient scellé leur union... Et certes enfin, l'Eglise elle-même a proclamé - contrairement à certaines hérésies (Arianisme, nestorianisme) - que "Jésus était vrai-homme et vrai-Dieu" : comme homme, il en a nécessairement éprouvé tous les sens... Le "sexe" alors n'était pas "tabou" et la procréation était recommandée, la seule réserve importante étant la fidèlité, car un commandement de Dieu proscrivait l'adultère... Mais tout cela n'est "qu'extrapolation", et il n'y a aucune preuve... pour un mariage et, à fortiori, une descendance...

   Inversement, d'autres exégètes ont fait de Marie-Madeleine, dès les débuts du christianisme, une "sainte", au sens d'une "mystique" et d'une "initiée", et certains lui attribuent même la 1ère place dans la mission de Jésus, avant les Apôtres... Il est certain que les femmes ont joué dans les premiers siècles un rôle important dans les communautés chrétiennes, comme le souligne Paul lui-même dans ses Epîtres (Ex:Thessaloniciens) tout en souhaitant limiter leur influence... Et il y a un évangile "apocryphe" attribué à Marie (-Madeleine) lui reconnaissant une "connaissance de l'au-delà", mais cet évangile est un texte "gnostique" du milieu du 2ème siècle, dont le "mysticisme" - à l'instar du célèbre évangile de Judas - n'a pas été reconnu par l'Eglise...

   D'ailleurs, "l'étoile" de Marie-Madeleine s'éclipse au début du Moyen-Age, puisqu'elle disparaît alors du Nouveau Testament et Pierre devient même le 1er témoin de la Résurrection... La femme, il est vrai, est vraiment alors le "sexe faible", et Marie-Madeleine n'est plus qu'une pécheresse, à l'image d'Eve responsable du péché originel... On va même jusqu'à nier son existence, en la confondant avec Marie de Béthanie... Mais elle "revient en grâce" au 9ème siècle, notamment grâce aux moines de Vézelay qui en font la patronne de leur basilique : ils racontent même que ses reliques ont été transférées de la région de Sainte-Baume près de Marseille, où elle aurait fini ses jours en compagnie de Marthe et de Lazare... En fait, ils voulaient surtout assurer la notoriété de leur basilique à la faveur de pélerinages fructueux...

   Toujours est-il qu'à partir de cette époque Marie-Madeleine devient essentiellement l'image de la "pécheresse repentie" et donc le symbole de la "Pénitence", et donc du "rachat", ce qui lui vaut la  ferveur populaire de ceux qui veulent "gagner le Ciel"... La "courtisane" parée et fardée des premières représentations devient la "misérable" vêtue seulement de ses cheveux, avec le visage baigné de larmes, à l'image de la statue de Donatello au Baptistère de Florence... Ainsi est née une autre légende, celle de la "pleureuse", justifiant l'expression devenue courante : "pleurer comme une madeleine"...

  

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20 mai 2007 7 20 /05 /mai /2007 17:27

   Dans la quête d'une "Vérité" profonde dépassant la "Réalité" superficielle de ce monde, le mysticisme occupe une place particulière, car il est la traduction d'expériences d'individus appelés des "mystiques" affirmant avoir connu "l'Absolu" et ayant, à ce titre, été tantôt vénérés, tantôt condamnés...

   Les termes mêmes de "mysticisme" et de "mystiques" viennent du grec ancien "mustos", qui désignait pendant l'Antiquité les initiés aux "Mystères" : il s'agissait alors essentiellement  des Mystères d'Eleusis... Mais ces termes se sont étendus au cours des temps à tout ce qui est "mystérieux", au sens de secret, obscur, ...ésotérique, c'est-à-dire non expliqué par la raison humaine...

   Cette démarche "transcendantale" est surtout connue dans le cadre de la civilisation judéo-chrétienne dite "occidentale", mais en fait elle est présente dans la plupart des civilisations, qu'il s'agisse des chamanes de Sibérie, des sorciers africains, des yogis de l'Inde, des pères chrétiens du désert, des manichéens de la Perse ou des soufis musulmans... Les mystiques ont été en effet très nombreux, même si la plupart sont restés inconnus ou ont été oubliés...Souvent, d'ailleurs, leur réputation n'a pas dépassé le cadre de leur peuple, de leur tribu, voire de leur seule famille : encore maintenant, il y a des individus qui ont, parfois à leur insu, des dons de "médium" mais n'en faisant pas état... Par contre, certains mystiques ont défrayé la chronique, comme Hildegarde de Bingen et ses visions cosmogoniques consignées dans son "Livre des Oeuvres divines"(11ème siècle), ...François d'Assise "fou de Dieu" voué à la Passion du Christ, dont il eut les stigmates (13ème siècle), ... Thérèse d'Avila et ses extases et lévitations racontées dans son "Livre des demeures" (16ème siècle), ...Marthe Robin  et le Padre Pio (20ème siècle), autres stigmatisés... En Asie, on évoque aussi les extases de Ramakrishna (19ème siècle) et les miracles de Ma Anandamoyi (20ème siècle)...

   Cette quête de "l'Absolu" a donc eu les formes les plus diverses pour des personnages différents n'ayant eu aucun échange mutuel... Mais il est frappant de constater que ces "formes" rendent un "son" commun, puisqu'il y est toujours question de paix, de sérénité, de disparition de la souffrance, de l'effacement du temps... manifestations accompagnées parfois de phénomènes para-normaux comme les transes, les visions, voire des miracles, ou des cas de lévitation, de voyance ou de télépathie...

   Evidemment, on ne peut que s'interroger sur de telles manifestations...La première observation est qu'elles sont toujours des expériences "personnelles", même si elles ont un retentissement "collectif"...Une seconde remarque est que ces phénomènes n'arrivent jamais "seuls", comme une brusque révélation, mais sont préparés par un comportement "d'ascèse" : jeûnes, veilles, , pénitences, parfois flagellations, privations de nourriture, ou toutes sortes de mortifications, obligeant "à se dépasser", comme si le "moi" individuel, dans ses besoins physiologiques et moraux, devait s'effacer dans un "océan de plénitude" (expression de l'écrivain Romain Rolland)... Il faut tout de même ajouter que, dans certains cas ce "dépassement" est obtenu de façon artificielle grâce à certaines drogues permettant d'accéder à un "état second"... Il y a aussi des cas de "communication involontaire", où certaines personnes, à la suite d'un accident ou d'un effet profond de stress, connaissent une situation "d'approche de la mort" dénommée "pré-mort" ou "après-vie" où elles affirment toutes "avoir été sorties de leur corps" et avoir vu un "couloir de lumière"... Hallucinations ?...

   Hallucinations !... C'est ce que déclarent les savants ou médecins qui s'en tiennent à une conception "positiviste" du monde... Pour eux, les visions ou extases rapportées chez les mystiques ne seraient que la traduction de troubles de la santé, comme l'anorexie ou l'hystérie, ou de problèmes psychologiques, résultant de "pulsions" souvent attribuées à "la relation avec la mère" (pour les hommes, ce serait la manifestation de leur "part féminine"...). Par ailleurs, les historiens ne manquent pas de remarquer que, comme les "apparitions", les mystiques ont eu leur "âge d'or" - fin 19ème début 20ème siècles - correspondant à la remise en cause de la place de l'Eglise dans les sociétés occidentales... Mais l'Eglise elle-même a toujours tenu ses distances avec les expériences des mystiques : en effet ceux-ci ont une "révélation individuelle" et "directe" qui ne correspond pas nécessairement avec le "révélation officielle" consignée dans la Bible... Et l'Eglise peut donc craindre qu'un mystique soit un "hérétique" par rapport au dogme reconnu... Au Moyen-Age, beaucoup de "visionnaires" (et pas seulement des charlatans...) ont fait l'objet de procès de sorcellerie... Et à de nombreuses reprises, l'Eglise a dû dénoncer des "mystifications" (le mot lui-même étant un dérivé péjoratif du "mystère"...). Et il en a été de même dans les autres religions "révélées" : les Juifs ont condamné les "faux Messies", où ils ont placé Jésus à son époque.(1er siècle) ...les prêtres mazdéens ont exécuté Mani (3ème siècle) ...les musulmans ont décapité Hallaj qui s'était identifié à Allah (10ème siècle)... Les mystiques ont constamment représenté un risque, sinon un danger, pour les religions "constituées"...

   Un danger... ou un renouvellement ?...Car les religions "constituées" ont été, à l'origine, établies ...par des mystiques, ayant connu une relation particulière avec "l'Absolu", qu'il s'agisse d'un "Dieu" (religions monothéistes) ou d'un "Nirvana" (Religion bouddhique) ... Moïse, Bouddha, Jésus, Mani, Mahomet ont été d'incontestables mystiques, et même les plus grands... Le mysticisme n'est-il pas alors la "vraie source de la vie religieuse" et ne doit-il pas en rester, à l'époque actuelle de recul de la foi, un ferment de "renouveau spirituel ?...

Bibliographie : Dossier spécial du Monde des Religions "Les Mystiques" - N° 23 de Mai-Juin 2007

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11 mai 2007 5 11 /05 /mai /2007 14:24

   L'histoire des religions est essentiellement consacrée aux dieux et aux hommes. Il y est question de la nature du "divin" - unique ou multiple - et des rapports que les hommes entretiennent avec lui: alliance, prière,représentation sur la Terre... Et pourtant d'autres "entités" ont de tous temps peuplé le monde de cet "absolu" inaccessible aux hommes - du moins de leur "vivant" - et ces entités sont les Anges...

   Le nom même des "Anges" (du grec "aggelos" : messagers) révèle qu'ils sont considérés comme des intermédiaires entre le divin et les hommes, et ce rôle leur est dévolu depuis la plus haute Antiquité, puisqu'ils apparaissent dès l'époque sumérienne en Mésopotamie au 2ème millénaire avant JC sous la forme de statues ailées (avec 4 ailes...) appelées "Karibus", que l'évolution linguistique a transformé en "Chérubins"... Et il n'y a donc rien d'extraordinaire à constater que les Hébreux, au contact de cette civilisation comme d'autres peuples sémites au Moyen-Orient, ont intégré le rôle de tels messagers au service de leur Dieu unique, Yaveh :

   Genèse III : "Et Yaveh renvoya Adam du Jardin d'Eden pour cultiver le sol dont il avait été tiré... et il posta devant le Jardin d'Eden les Chérubins... pour garder l'Arbre de Vie..."

   Genèse XXII : "Abraham lia son fils et le mit sur l'autel... Et il saisit le couteau pour l'immoler... Mais l'ange de Yaveh l'appela du ciel et dit : N'étend pas la main contre l'enfant..."

   Genèse XXVIII : "Jacob eut un songe... Voilà qu'une échelle était dressée sur la Terre, et des anges de Dieu y montaient et descendaient..."

   On aurait pu penser que Jésus-Christ, "incarnant" la volonté de Dieu, aurait éclipsé le rôle de tels messagers... Mais, à en croire les Apôtres, il les intègre aussi comme "serviteurs de Dieu" :

   Evangile Saint-Luc : "L'Ange Gabriel fut envoyé par Dieu... à Nazareth auprès d'une vierge fiancée à un homme nommé Joseph..."

   Evangile Saint-Mathieu : "Voici que l'Ange du Seigneur apparut à Joseph et lui dit : Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte..."

   Evangile Saint-Mathieu : "Crois-tu que je ne pourrais pas invoquer mon Père, qui me donnerait aussitôt douze légions d'anges..."

   Et 7 siècles plus tard, se développe la 3ème religion monothéiste, l'Islam, dont le Coran est dicté au nom d'Allah à Mahomet par l'Ange Gabriel (encore lui...) et le Coran cite d'ailleurs à plusieurs reprises les anges comme des "corps subtils" faits de lumière (Sourate XXXV -1) et chargés de "soutenir les croyants dans leur existence terrestre et leur combat pour la Vérité"...

   L'intervention des anges est tellement bien ancrée dans les esprits humains que, dès le début du Moyen-Age, ils font l'objet d'une véritable distribution des rôles dans une hiérarchie soigneusement codifiée :

   - Le 1er groupe est celui qui est le plus proche de Dieu et comprend : les Séraphins, placés au sommet parce qu'ils entourent le siège divin - les Chérubins, généralement "joufflus" et symbolisant la sagesse - et les Trônes, représentant la justice...

   - Le 2ème groupe, plus ésotérique et peu connu, est formé par les Dominations, les Vertus et les Puissances chargés globalement des relations avec les hommes...

   - Le 3ème groupe, le plus connu mais de rang inférieur, comporte les Principautés chargées du commandement, les Archanges qui sont des sortes "d'officiers d'état-major", et les ...Anges proprement dits, qui forment le "gros de la troupe", car ils comportent notamment les anges gardiens chargés d'assister chacun des humains et évidemment innombrables depuis que le monde est monde...

   En fait, cette classification a été souvent revue et compliquée, à en juger par les interprétations de la Kabbale, d'origine juive, donnant les noms de tous les Séraphins, Chérubins, Trônes, ...Archanges et Anges principaux en les situant dans un agenda astrologique trop important pour être détaillé... Pour sa part l'Eglise, tout en reconnaissant dans la Bible le rôle des 3 Archanges - Gabriel, Michel (qui terrasse le Dragon...) et Raphaël (le Guérisseur...) - et en gardant dans le Catéchisme les anges gardiens, s'est toujours refusé à en faire un article de foi et considère les anges comme une manifestation "surnaturelle" de Dieu sans croire à leur existence "matérielle", ce qui rend d'ailleurs spécieuse toute spéculation bassement humaine ...sur le "sexe des anges"...

   Nénmoins "le monde angélique" est assez prégnant pour avoir dépassé le cadre religieux et s'être élargi dans l'ésotérisme, notamment en raison des progrès de la "spiritualité individuelle" qui tend actuellement à se substituer au "culte collectif du divin"... L'illustration la plus frappante se trouve dans l'interprétation des phénomènes appelés de façon significative soit "Après-vie", soit "Pré-mort", suivant lesquels des individus déclarés cliniquement morts sont revenus "miraculeusement" à la vie et témoignent alors de ce qu'ils ont vu, éprouvé et "vécu"... Et il est alors troublant de constater que leurs témoignages comportent des similitudes, sans qu'il y ait eu  de concertation : sortie hors du corps, disparition du temps, aspiration vers une porte de lumière, ... et rencontre avec des "êtres spirituels" (des anges ?...) introduisant à l'amour universel... Tout cela suivi d'une réintégration "douloureuse" dans le corps... Evidemment, il n'est pas possible de tirer des certitudes de ces "expériences" incontrôlables, et la conclusion ne peut dépendre que de l'opinion de chacun...

   Plus prosaïquement, les anges restent aussi un thème porteur dans le monde matériel qui est celui des hommes... Ce n'est pas par hasard que les anges ont été utilisés dans les arts, qu'il s'agisse de la peinture ou de la sculpture (l'Annonciation, le Paradis, le Dragon terrassé...) ou encore de la musique avec le "choeur des anges" ou les "voix angéliques"... Ils ont inspiré au 20ème siècle les oeuvres cinématographiques, comme "La vie est belle" de Capra, "Le Ciel peut attendre" de Lubitsch, "L'ange exterminateur" de Bunuel ou encore "Les ailes du désir" de Wenders... Et on les retrouve même ...dans la publicité : porteurs de "pureté" et "d'efficacité", ils figurent sous la forme "d'angelots" sur les paquets de Lessive Saint-Marc ou encore les enveloppes des fromages "Caprices ...des Dieux", sans oublier le "logo" du parfum de Nina Ricci "L'air du temps", dont la senteur doit assurément être "divine"...

   C'est dans le même état d'esprit que le mot "ange" passe dans le langage courant : "On est beau comme un ange"... "Tu serais un ange si...", etc... En fait, il faut bien admettre que "les hommes ne sont ni anges, ni bêtes", ... et c'est d'ailleurs pourquoi, quand ils n'ont plus rien à dire - ce qui est rare chez les hommes - on affirme "qu'un ange passe"...

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