S'il est bien un droit fondamental pour toute personne attachée à la démocratie, c'est "le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes"...Et c'est au nom de ce droit inscrit dans la Charte des Nations Unies - Article 1, paragraphe 2 - que les gouvernements des pays démocratiques ont salué les révoltes des peuples du nord de l'Afrique - Tunisie, Egypte et Libye - contre des dictateurs ayant imposé leur emprise depuis plus de 30 ans...
Mais il y a eu, dans l'Histoire, de nombreux exemples où les dictateurs ont brisé de telles révoltes ou ne se sont retirés qu'au prix de nombreuses victimes ...Il en a été ainsi lors de l'éclatement de la Yougoslavie en 1999, où les pays de l'OTAN ont décidé d'envoyer une force d'intervention au Kosovo, au nom d'un "droit d'ingérence" alors invoqué par un Français, le Docteur Kouchner, responsable d' ONG promu Haut Représentant de l'ONU, et futur Ministre des Affaires Etrangères ...Un droit dont il n'était pas l'inventeur, puisqu'il avait déjà été invoqué ...au 17ème siècle par le diplomate hollandais Grotius qui, dans son livre "Du droit de guerre et de paix", soulignait "le droit accordé à la société humaine d'intervenir dans le cas où un tyran ferait subir à ses sujets un traitement que nul n'est aurorisé à faire"...Un droit qui, pour autant, ne figure pas dans les lois internationales, puisque l'ONU, à nouveau dans la Charte des Nations Unies - Article 2, pragraphe 7 , spécifie "qu'aucune disposition ne l'autorise à intervenir dans les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale d'un Etat" ...et n'a pris jusqu'à présent de "résolutions" que pour une "assistance humanitaire", laissant néanmoins des Etats - surtout occidentaux - intervenir militairement au nom du droit d'ingérence, comme la France au Rwanda (1994), les Etats-Unis en Libéria et Sierre-Leone (1997), l'URSS (1979) puis "l'Alliance du Nord" (2001) en Afghanistan, et à nouveau les Etats-Unis en Irak (2003- chute de Saddam Hussein), avant l'intervention de l'OTAN au Kosovo (1999)...
En l'occurrence, cette fois, un "tyran sanguinaire" se livre en Libye, avec des séides souvent étrangers, à un véritable massacre de son peuple, provoquant l'indignation de la plus grande partie du monde, et posant aux gouvernements de nombreux pays le problème d'une intervention qui ne soit pas seulement "humanitaire", mais "militaire"...Est-ce à dire que, pour de tels cas d'urgence, un "droit d'ingérence" soit désormais institué au niveau international, avec des règles précises et reconnues par tous les pays membres de l'ONU ?...La réponse n'est pas simple, car il n'y a pas eu dans l'Histoire systématiquement d'un côté les "bons" et de l'autre côté les "méchants", et les "peuples" n'ont pas toujours "raison" et leurs "chefs" toujours "tort" ...A ce titre, la France a longtemps donné l'exemple de l'ambigüité : ainsi, pour les deux "Empires" napoléoniens, il y a eu à l'origine des "coups d'état" - évidemment répréhensibles sur le plan de la démocratie - mais dans les deux cas ces actions ont été légalisées par des "plébiscites" qui, en dépit de leurs conditions d'organisation (pas d'isoloir), ont traduit un accord global de la population lassée des désordres politiques...De même, en 1958, le Général De Gaulle revient au pouvoir dans des conditions quelque peu douteuses liées à la guerre d'Algérie, et, même s'il se défend alors de "devenir un dictateur", l'exercice de ce pouvoir n'est légalisé qu'ensuite par une Constitution adoptée au suffrage universel...Mais il y a eu aussi des circonstances historiques beaucoup plus graves : faut-il rappeler en effet qu'en Allemagne, Adolf Hitler a été nommé chancelier en 1933 dans des conditions légales, à la suite du succès de son parti national-socialiste aux élections ...et que la plupart des pays démocratiques se sont d'abord réjouis car il apparaissait comme un rempart contre l'Union Soviétique jugée alors beaucoup plus dangereuse... C'est plus tard seulement qu'en raison de ses conquêtes ("l'espace vital") et de ses atrocités, les pays occidentaux se sont coalisés ("l'Alliance Atlantique") pour aider l'URSS à l'éliminer... Mais les mêmes pays occidentaux, en intervenant ensuite - comme la France, puis les Etats Unis, en Indochine - contre des pays voulant leur indépendance, ne pouvaient justifier leur ingérence qu'en raison de la division du monde en "2 blocs" et au mépris du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes...
Ainsi donc, il est difficile d'instituer une règle précise pour justifier une ingérence "étrangère" dans un Etat "souverain" ...Une solution possible serait d'attendre que l'intervention soit demandée par le pays concerné - comme c'est le cas pour une "action humanitaire" lors de catastrophes naturelles - mais, par définition une révolte populaire anéantit provisoirement l'existence d'un Etat, et le ralliement éventuel de l'armée à cette révolte n'est pas nécessairement une garantie ...Faut-il attendre, dans ces conditions, que la situation devienne tragique ...mais, dans ce cas, à combien de morts on jugera que cette situation est tragique ?... Alors, que faire ?...