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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 23:51

   Qu'il s'agisse de la série de crimes commis en France ces derniers temps -  l'assassinat de la petite Agnès par un adolescent en septembre 2011 et les meurtres à répétition par un forcené en mars 2012 - ou de la réaction légitime des forces de police ayant abouti à une exécution sommaire, l'actualité vient malheureusement de donner en France une illustration de la violence.

 

   "L'homme n'est ni ange, ni bête", écrivait Pascal au 17ème siècle ...Car l'homme, s'il a assurément le goût de la douceur et de la tendresse, a aussi celui de la violence, c'est-à-dire de la force exercée de façon abusive ...Et cette capacité lui est attribuée dès ses origines : il y avait des guerres de clans dès la Préhistoire, et l'Histoire elle-même comporte une interminable succession de luttes, de tortures et de massacres, le comble ayant été atteint - en dépit du progrès des connaissances, mais en partie aussi à cause de lui - par les horreurs du 20ème siècle, marquées par deux guerres mondiales, des génocides et la bombe atomique ...Une capacité de violence qui est d'ailleurs une spécificité de l'homme, car elle n'est pas un élément de la nature mais un comportement "conscient", ce qui n'est pas le cas des animaux qui n'agissent brutalement que par instinct, ...l'image de "l'homme qui est un loup pour l'homme" présentée par l'écrivain romain Plaute au 3ème siècle avant JC n'étant que l'anthropomorphisme...

 

   La violence n'est pas pour autant de la part de l'homme un comportement uniforme, et elle peut même prendre des aspects contradictoires, en ce sens qu'elle est considérée suivant les cas comme "légitime" ou "illégitime" :

   - La violence "collective" est la plus connue, car elle est le plus souvent "publique" ...C'est le cas de la violence "politique" consistant à imposer une autorité sur la société par tous les moyens de coercition : on parle de "dictature" ou de "tyrannie", soit de la part d'un groupe social s'attribuant tous les pouvoirs (ex: les seigneurs au Moyen-Age), soit de la part d'un individu confisquant l'autorité pour lui-seul (ex : Napoléon Bonaparte au seuil du 19ème siècle), souvent avec le prétexte de remettre de l'ordre dans un société en décomposition ...Mais la violence peut être aussi "économique", quand les biens sont accaparés par un minorité "capitaliste", ce qui justifie alors la révolte de la majorité de la population au nom du "socialisme", la forme la plus significative ayant été celui de Marx, prônant la "lutte des classes", c'est-à-dire la nécessité de la violence...

   - La violence "personnelle" est moins perceptible, parce qu'elle est le plus souvent "privée"...Elle existe notamment au sein des familles où un individu (généralement le père en raison de l'autorité que la tradition lui a confié) veut imposer une domination despotique, soit par la force physique (coups, viols,...), soit par une action morale (injures, harcèlements...) ...Elle peut alors aller jusqu'au crime  ...Néanmoins, il peut y avoir des comportements pathologiques résultant de l'égarement de la conscience individuelle : on parle de coup de folie, parfois passager ...Le sens commun parle alors d'un homme "qui a pété les plombs"...Mais il y a aussi la violence qu'un homme peut exercer sur lui-même : l'Eglise évoque des "saints" qui se sont imposé des restrictions ou des meurtrissrures au nom de leur foi  ...Et, à la limite extrême, il faut citer le suicide, qui est la violence ultime qu'un homme peut s'imposer à lui-même...

 

   Il est donc difficile de porter un jugement sur la violence, car celle-ci ne peut pas être nécessairement identifiée à un "acte du diable", et elle peut même être justifiée quand ele sert à combattre une violence inacceptable ...Ainsi la lutte contre le nazisme n'a pas pu se faire sans combat ...La violence contre la violence ...un cycle infernal  ...qui a pu justifier le recours à la "non-violence", qui n'est pas une simple  passivité devant la violence, mais une recherche pacifique des solutions en cas de crise ...Il y a eu des apôtres de la "non-violence" : on doit citer évidemment Jésus-Christ, dont le message essentiel est celui de la fraternité - "aimez-vous les uns les autres" - mais il a eu d'autres émules comme, au 20ème siècle, Gandhi et Martin-Luther King ...Il est vrai que ces apôtres sont morts par la violence ...Alors ?...

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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 23:10

   Il paraît que la morale est actuellement une "valeur en hausse" (1), et il se trouve même de "bons esprits" pour demander qu'elle soit enseignée à l'école ...ce qui suscite , dans un pays "querelleur" comme la France, l'hostilité de ..."mauvais esprits" estimant qu'il y aurait ainsi un retour à ..."l'ordre moral" !...

 

   En fait, l'enseignement de la morale à l'école ne serait pas une nouveauté, puisque cette "discipline" était même considérée, il y a plus d'un siècle...,comme la mère de toutes les vertus, à l'opposé de l'oisiveté qui était la mère de tous les vices ...Elle était en effet la finalité de l'enseignement républicain voulu par Jules Ferry ...Sur la couverture du livre de Morale des écoles primaires rédigé par Louis Boyer, Inspecteur de l'Enseignement, il y avait la citation suivante : "Le suffrage universel exigeait l'instruction universelle, mais celle-ci n'est rien si l'éducation morale et civique ne vient la féconder"...

 

   Manifestement, si la morale est actuellement en hausse, c'est qu'elle a connu, au cours du 20ème siècle, notamment dans sa deuxième moitié, ...une baisse. Et cette baisse n'a pas été seulement le résultat de carences de l'enseignement, ...mais la conséquence d'une crise morale dans la société elle-même, en ce sens que celle-ci a perdu ou du moins négligé de plus en plus les règles de conduite nécessaires dans la vie des hommes et reposant sur la distinction essentielle entre le "bien" ,qui leur est utile, et le "mal", qui leur est néfaste...

 

   Mais cette distinction n'a pas toujours été conçue de la même façon au cours de l'histoire :

   - La préoccupation initiale des hommes a été la morale "individuelle" : ainsi, dans la Bible hébraïque qui a imprégné le monde de l'Occident, le Décalogue (2) fait l'inventaire des règles que "chaque" homme doit respecter : "Tu ne tueras point ...Tu ne voleras pas ...Tu ne commettras d'adultère ", etc ...Et poarallèlement, en Extrême-Orient, le Bouddhisme invite chacun à acquérir la sagesse ...Mais si la Morale est alors profondément liée à la Religion qui a pour mission de diriger le comportement des hommes, elle n'en est pas le seul apanage, puisqu'on la retrouve dans les prescriptions "laïques" données par les philosophes depuis l'Antiquité et s'étant souvent traduites par des "dictons" repris naguère par les instituteurs qui en faisaient l'objet de la 1ère leçon du jour avec une inscription à la craie blanche sur le tableau noir, avec des  pleins  et des  déliés : "Bien mal acquis ne profite jamais" ..."Qui vole un oeuf vole un boeuf" ...Qui toujours remet à demain trouvera malheur en chemin", etc...

   - Mais l'élargissement des relations au niveau des pays et du monde a conduit progressivement les hommes à une morale "sociale", c'est-à-dire à une conception où le "bien" comme le "mal" se situe essentiellement pour chaque homme dans son rapport avec autrui ...C'est déjà ce que le christianisme apporte avec les paroles de Jésus, précurseur inspiré : " Aimez vous les uns les autres" ...Et, deux millénaires plus tard, après maintes guerres, c'est le même souci de solidarité qui inspire le "socialisme", malheureusement souvent perverti qui ont voulu l'imposer par la force, comme si on pouvait faire le bonheur des hommes malgré eux...

 

   En effet, il n'y a pas de morale possible sans le respect d'un certain nombre de principes, et en premier lieu le respect de la liberté, qui figure au fronton de toutes les mairies de France, avec l'égalité et la fraternité ...On peut y ajouter les 4 vertus dites "cardinales" : la tolérance, la justice, la prudence et le courage ...sans oublier la lutte contre toute discrimination, car la morale ne peut pas être une simple affaire de principes , mais doit être pratiquée dans l'action ... Et c'est justement parce que les principes ont été oubliés ou négligés qu'une crise morale a pu apparaître, en France comme dans d'autres pays, mais il reste à savoir pourquoi les règles de conduite ont pu ainsi être oubliés...La réponse n'est pas simple :

   - Il paraît certain qu'une crise économique peut avoir un effet sur la morale :  Paul Hazard l'évoque dans son livre sur "la crise de la conscience européenne au 18ème siècle" ...La crise de 1929 engendre des régimes "totalitaires" en Italie et en Allemagne en raison de l'appauvrissement de la population ...Un dicton - encore un ! - dit "L'argent ne fait pas le bonheur " ...Certes ...Mais il peut y contribuer ...et en l'occurrence, la France a connu une période de prospérité - les "Trente Glorieuses" (à peu près entre 1950 et 1980) où il n'y a pas eu de conflits sociaux importants, les grèves étant plus une volonté de participer à l'essor économique qu'une traduction de la pauvreté, même si celle-ci était réelle pour ceux qui en étaient exclus (chômeurs, immigrés..) ...Et c'est précisément la crise économique, avec les délocalisations, les "dégraissages" de personnels, la "précarisation" des emplois, qui a détérioré le "pacte social", et rendu insupportable l'extension de la pauvreté ( réf:http://www.inegalites.fr/spip.php?article270) alors que la richesse était de plus en plus concentrée dans une minorité de familles (réf:http://fr.wikipedia.org/wiki/Richesse) aux revenus jugés parfois indécents...

   - Mais, pour autant, la morale ne peut pas être réduite seulement à des considérations économiques ...La richesse n'est pas nécessairement immorale, si elle apporte le "bien" au plus grand nombre de personnes et n'est pas confisquée pour des investissements non productifs et des rémunérations d'actionnaires, sans le moindre partage pour les salariés faisant vivre les entreprises ...autrement dit, si elle est répartie de de façon équitable, le bénéfice "économique" étant conjugué avec le progrès "social"...Comme l'écrit Emmanuel Fabert, vice-président  de la Société Danone, "une décision économique qui ne prendrait pas en compte sa dimension sociale est une barbarie; une action sociale qui ne tiendrait pas compte de sa dimension économique est une utopie" (3)...

 

   Oui, la morale a encore sa place, si elle est respectée ...Mais les hommes restent les hommes, et l'Histoire montre qu'ils l'ont souvent oubliée...

 

(1) Figaro Littéraire du 26 janvier 2012

(2) Exode - Ch 1 - Versets 1 à 17

(3) "Chemins de traverse" - Vivre l'économie autrement - Ed.Albin Michel

 

NB : Par un hasard tragique, l'élaboration de cet article a coïncidé avec cette tuerie horrible de Montauban et Toulouse, d'autant plus grave qu'on ne sait pas si l'assassin est un fou pervers ayant agi pour son propre compte ou un agent terroriste stipendié par une organisation internationale ...Ceci montre - hélas - que la "Morale" ne se limite pas à "ratiociner", mais peut comporter une "application pratique" beaucoup plus difficile à établir...

 
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24 septembre 2009 4 24 /09 /septembre /2009 16:25

   Le cas d'une veuve ayant saisi la justice en raison du refus du CECOS (*) de lui remettre des gamètes de son mari décédé en vue de se faire inséminer vient de défrayer la chronique ...Il ne s'agit pas d'un fait nouveau, mais il est tout de même fâcheux qu'une fois de plus ce cas ait été présenté comme un "fait divers" pour impressionner l'opinion de façon "spectaculaire", alors qu'il pose un problème "d'éthique" méritant à ce titre une discussion approfondie.

   En effet, présenter ce cas comme la volonté d'une veuve de garder ainsi un témoignage de la vie avec son ex-mari est certes "émouvant" et ne peut que conduire l'opinion plus sensible à "l'émotion" qu'à la "réflexion"...à l'approuver. Assurément, cette volonté est "compréhensible", et elle n'est donc pas à priori "condamnable" ...Mais elle n'en comporte pas moins des risques et ne peut donc pas être acceptée sans réserves, car l'être humain n'est pas seulement "individuel" ...il est "social", et le comportement d'un individu implique nécessairement la collectivité...

   Or la requête de la veuve a un caractère strictement individuel ...Elle veut projeter dans l'avenir un enfant pour le souvenir de son mari, ...et par conséquent elle choisit délibérément pour son bonheur personnel d'avoir un enfant "sans père vivant", ce qui est évidemment différent d'un enfant "orphelin" ayant perdu son père par suite d'un malheur (maladie, accident...) ...Même s'il devient banal d'évoquer la famille "monoparentale" - en raison notamment du relâchement des liens familiaux - on ne peut tout de même pas ériger cet état de fait en règle de vie familiale...

   D'autre part, l'acceptation d'une telle requête par la justice constituerait dans un Etat de droit comme la France un "précédent", qui justifierait ensuite l'acceptation d'autres cas similaires, au nom de la jurisprudence ...Et à partir du moment où on aura reconnu comme "licite" cette manipulation génétique, où s'arrêtera-t-on ensuite ?...Si, plus tard, avec les progrès scientifiques, on peut - inversement - disposer de l'ovule féminin, il se trouvera alors des veufs - au nom de l'égalité de l'homme et de la femme - pour revendiquer la possibilité d'avoir ainsi un enfant "sans mère vivante" ...par fécondation artificielle ...ou par mère "porteuse"...

   Certes, il y aura toujours le Comité d'éthique pour limiter ou bloquer les dérives ...mais que vaudra ce barrage ...si le barrage initial a été levé ?...Déjà on cite des Etats comme l'Espagne, la Belgique ou le Royaume-Uni où les veuves sont autorisées "dans certaines conditions" (?) à avoir ainsi un enfant ...Mais il y a de nombreux pays où il n'y a pas de contrôle efficace ...ou déjà, on peut par exemple "vendre un de ses reins pour avoir de l'argent" ...et où les facilités d'avoir un "enfant sans père vivant" peuvent donner lieu à un commerce lucratif...

   Non, vraiment...De grâce ...Pas d'enfant "post-mortem" !

(*) Centre d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 11:02
   La paix a toujours été un temps entre deux guerres ...et la guerre un temps entre deux paix ...Cela fait partie du comportement naturel des hommes, manifestement depuis leur origine...

   Et pourtant les hommes sont doués de "raison" et, dans leur histoire, il y a eu dès l'Antiquité des philosophes pour leur enseigner la "sagesse" ...De même les hommes se sont transmis la "foi" qui, dans toutes les religions, leur a édicté une "morale"...Mais ils n'ont pas pour autant arrêté leurs conflits et, même s'ils ont parfois réussi à en atténuer les effets - "trêve de Dieu" ou "armistice" - ils y ont trouvé aussi prétexte à d'autres affrontements, qu'il s'agisse de "croisades", de "guerres saintes" ...ou de "révolutions"...Y-a-t-il donc une fatalité de la violence ?...

   La "violence" consiste, par définition, à "imposer sa volonté aux autres", c'est-à-dire à avoir une conduite exactement contraire au "respect des autres" indispensable à une harmonie dans toute société (*)...Cette violence peut prendre diverses formes, depuis la force brutale et aveugle jusqu'à des manières plus subtiles comme la ruse, le chantage ou l'intimidation ...ou toutes les formes à la fois, suivant la formule courante : "de gré ou de force" ...Elle peut être individuelle, comme dans le cas des "duels", ou collective quand elle oppose un groupe - clan, tribu, peuple, nation...- à un autre dans le cas des "guerres"...Et elle est très variable suivant les époques ou les lieux : ici ou là, il y a des périodes de paix - comme la "Pax Romana" autour de la Méditerranée pendant l'Antiquité - et au 20 ème siècle en Occident où, après deux guerres mondiales ayant abouti à une exacerbation inégalée de la violence, la paix est revenue grâce à l'organisation d'institutions internationales et à la collaboration des Etats naguère opposés, malgré de nombreuses insuffisances ou difficultés ...Car la violence subsiste, sous la forme des guerres "locales" et "larvées", aux quatre coins de la planète : Palestine, Afghanistan, Somalie, Soudan, etc...

   Et malheureusement, même à l'intérieur des pays "pacifiques", il y a aussi une résurgence de la violence ...Car celle-ci n'est jamais loin, et il a suffi de difficultés graves, comme la crise économique depuis le 2ème semestre 2008, pour qu'elle retrouve un "terreau" favorable ...Comme le montre en France la recrudescence des délits de toutes natures et l'éclatement de manifestations ou actes de vandalisme, à l'image des incidents de Strasbourg au début d'avril 2009... Et cette résurgence est d'autant plus inquiétante qu'elle n'est pas, de toute évidence, simplement conjoncturelle, mais traduit un état d'esprit de nombreux Français qui ont désormais la conviction que "pour se faire entendre" il faut "être violent"; et que la "radicalité" est plus efficace que la "légalité" : ainsi certaines professions n'hésitent pas à profiter de leur position "stratégique" dans la société pour imposer des grèves nuisibles à leurs concitoyens, notamment aux plus fragiles (malades, vieillards, chômeurs) ...Il devient même "naturel" de procéder à des "séquestrations" de responsables ou jugés tels - patrons d'entreprises ou directeurs d'établissements - ce qui est une violence sociale, attentatoire au principe fondamental de la liberté dans une démocratie digne de ce nom...

   Dans un tel contexte, il convient donc de trouver - tant au niveau international qu'au niveau de chaque Etat - une réponse pertinente aux difficultés ...et celle-ci ne peut être trouvée que dans la "discussion" et la "négociation" excluant toute démagogie qui non seulement n'arrêtera pas mais perpétuera la violence ...Dans le cas de la France, ce n'est pas en l'occurence en dénonçant et en livrant à la colère publique des "patrons-voyous" dont le petit nombre, même répréhensible, n'est pas représentatif de la majorité des chefs d'entreprise aux ressources souvent très limitées, que les problèmes seront résolus ...mais en rétablissant dans le cadre d'assises ouvertes à tous les partenaires concernés un juste équilibre entre les rémunérations ...Ce n'est pas davantage en engageant une polémique entre un "discours sécuritaire" du gouvernement et un "discours compassionnel" de l'opposition qu'on empêchera de nouvelles déprédations, mais en laissant la police et la justice assurer l'ordre nécessaire dans la sérénité... Faut-il rappeler qu'après la crise de 1929, l'absence de réponse à la "radicalité" a encouragé l'affrontement des extrêmistes de "gauche" comme de "droite", avec les conséquences qui en ont résulté dans des Etats comme l'Italie et l'Allemagne ?...

(*) Voir mon article du 14 mars 2006 - catégorie Morale - dont l'administration d'over-blog révèle qu'il a toujours été cité en tête de mes textes, ce dont je remercie mes lecteurs !
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28 décembre 2008 7 28 /12 /décembre /2008 10:30
   La presse - et notamment la presse à "sensation" - a la détestable habitude de faire ses "choux gras", comme ses titres d'ailleurs, du malheur des gens ...Et il est ...malheureusement rare que soit mis en valeur un événement heureux comme une naissance, un sauvetage, un succès ...ou tout ce qui fait rire ou sourire ...

   C'est donc avec beaucoup de plaisir qu'en cette période de fêtes on puisse lire un dossier "spécial" d'une revue hebdomadaire (1) consacré "A la poursuite du bonheur", ...et ceci d'autant plus que ce dossier se garde ...bien de donner des recettes ...au "petit bonheur" et se contente de livrer des témoignages à travers le temps...

   Un clin d'oeil, d'abord, en guise d'introduction ...Le bonheur n'est pas inscrit dans la "nature" où, selon Charles Baudelaire, "tout ne serait qu'ordre et beauté, calme et volupté" ...Mais il n'en est pas moins une "indispensable illusion" ...Il se distingue de la "joie", qui existe seulement dans l'instant, car il n'a sa raison d'être que dans la durée ..."Il a besoin de celle-ci pour se déployer ...Il lui faut être au large, dans une eau vive, mais régulière" ..."Tandis que la joie jaillit comme une source, le bonheur s'écoule comme un fleuve ...Il est dans le présent comme un pari sur l'avenir ...et quand il disparaît dans l'océan des ennuis, il reste encore la nostalgie..." (2)

   Une leçon d'histoire, ensuite ...Car "l'invention du bonheur" se trouve dans la Philosophie de l'Antiquité ...Pour certains penseurs anciens comme Epicure, "le bonheur va de soi" ...car "vide est le discours du philosophe s'il ne guérit pas la maladie de l'âme", et il précise même "qu'il n'est pas possible de vivre bien sans vivre avec plaisir" ...Il est vrai que les "stoïciens" sont plus raisonnables, en considérant que le bonheur n'est pas la simple réalisation des désirs, mais le résultat d'un effort : comme le dit l'Empereur philosophe Marc-Aurèle, "souviens-toi d'user de ce dogme : non seulement ceci n'est pas un malheur, mais c'est un bonheur de le supporter avec courage" ...

   Au 16ème siècle, quand l'Europe s'ouvre à la "Renaissance", Montaigne est plus nuancé, car il sait que le bonheur est difficile en cette période de guerres de religion, et ses "Essais" sont l'expression d'une "douce mélancolie" ...Au 17ème siècle, face au calvinisme puritain et au judaïsme orthodoxe, Spinoza, un juif de famille portugaise ayant fui l'Inquisition, ose proclamer une doctrine "libertaire" et "révolutionnaire", celle de la"joie de vivre", ce qui lui vaut une "excommunication" personnelle et la mise à "l'Index" de ses ouvrages, car le bonheur est alors manifestement interdit ...Mais qu'à cela ne tienne, car pour lui, "le sage ne cesse jamais d'être et jouit toujours, au contraire, de la vraie satisfaction de l'âme..."

   Au 18ème siècle ...le siècle de la "Philosophie des Lumières" ...Rousseau se veut l'apôtre d'un bonheur simple dans les "Rêveries d'un promeneur solitaire", c'est-à-dire un "bonheur individuel" qui ouvre la voie au "romantisme" avec Chateaubriand, Hugo et Lamartine, le poète de la nostalgie du bonheur :
                                   "Ô temps, suspends ton vol !
                                     Et vous, heures propices,
                                     Suspendez votre cours !
                                     Laissez-nous savourer les rapides délices
                                     des plus beaux de nos jours
..."
   Mais , entre-temps, d'autres hommes ont voulu forger d'autorité une doctrine du bonheur ...Dès 1789, les révolutionnaires proclament dans la Déclaration des Droits la nécessité d'assurer le "bonheur de tous" par les institutions, et Saint-Just déclare même que la Révolution "ne peut s'arrêter qu'à la perfection du bonheur" et, en voulant imposer la "République de la Vertu", c'est-à-dire en voulant le bonheur des gens malgré eux, il aboutit  ...à la Terreur !...Benjamin Constant a beau ensuite déclarer :"Que l'autorité se borne à être juste, nous nous chargerons d'être heureux" ...de nouvelles doctrines apparaissent au 19ème siècle avec les "socialistes utopiques" voulant bâtir des "sociétés idéales", comme Cabet avec son "Voyage en Icarie" , Fourier avec son "Phalanstère" ou encore Proudhon qui écrit "La propriété, c'est le vol" ou encore "L'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir"...Cela conduit à la triste histoire de la Commune en 1871 ...Mais le "socialisme dialectique", à prétention scientifique, de Marx et Engels prend le relais avec la promesse d'une "société sans classes" ou "communisme" qui trouve son application avec la Révolution de 1917 en Russie et n'aboutit qu'à une dictature "totalitaire" sous couvert d'un "paradis soviétique"... Il est vrai que d'autres philosophes avaient nié alors la possibilité du bonheur, comme Kant affirmant que "le bonheur individuel n'est pas au programme de l'histoire" ou Nietzsche déclarant, non sans humour, que "le bonheur est comme une femme...Si vous le poursuivez, il s'enfuit !..."

   Evidemment, le bonheur a aussi sa place dans la religion, mais cette place est inséparable de la notion de "salut", en particulier dans le christianisme ...Car "le monde n'est qu'une vallée de larmes" et "l'humanité, une masse en perdition"...Le bonheur véritable ne peut exister que dans le "Paradis", où le souvenir d'un passé idéalisé (le mythique Paradis terrestre) rejoint l'espoir d'un bonheur futur (dans la Jérusalem céleste)...où il n'y aurait plus de malheur, mais une félicité éternelle dans l'amour de Dieu :"Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ...Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu" ...proclame Jésus dans les "Béatitudes", qui est une sorte de manifeste du bonheur ...

   Néanmoins, à partir du 20ème siècle et surtout dans sa deuxième moitié, avec le déclin de la religion et le progrès de la science, on aboutit à une multiplicité et même à une véritable "individualisation"  de le "poursuite du bonheur" ...Il y a la "méditation" qui est une recherche "transcendantale" des moyens de parvenir à la paix intérieure, ce qui explique le succès actuel du bouddhisme, avec son "chemin de l'éveil" (5 millions d'adeptes ou de sympathisants actuellement en France) et l'intérêt porté récemment au Dalaï-Lama qui affirme "qu'on peut atteindre le bonheur par l'exercice de la psyché" ...Mais il y a aussi ceux qui continuent à croire à "l'avenir de la science", notamment dans le domaine de la psychologie individuelle : certains affirment même que "le bonheur est une affaire de neurones", en s'appuyant  sur le comportement des vrais jumeaux (monozygotes) dont l'identité prouverait que le bonheur (ou son absence...) peut être héréditaire ...D'autres prétendent que le bonheur est possible grâce à la découverte de molécules (les pilules du bonheur)... Allant plus loin encore, des psychologues espèrent parvenir à une "Science du bonheur", qui permettra de mieux soigner les souffrances individuelles et d'inspirer des réformes dans les domaines cruciaux pour le bien-être des hommes: éducation, santé, justice, économie ...Ainsi, on aurait la solution à tous les problèmes ...Le bonheur enfin ! 

   L'ennui est qu'on n'en est pas là ...et que, de toutes façons, comme l'a dit Jules Renard, "si on bâtit la maison du bonheur, la plus grande pièce sera la salle d'attente" ... Alors, il vaut mieux être ...philosophe, et s'accommoder au mieux de ce qui est, suivant la maxime de La Rochefoucauld :"On n'est jamais si heureux, ni si malheureux, qu'on s'imagine" ...


(1) Le Nouvel Observateur - 26 décembre 2008

(2) Citation inspirée de l'éditorial de Jean Daniel
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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 16:34
   Evoquer la solidarité ne consiste pas à refaire encore et toujours une "leçon" sur la nécessité de l'entraide entre les hommes...Il s'agit seulement d'étudier ce qui, dans la situation actuelle, peut permettre d'apporter un remède aux inégalités sociales...

   La solidarité a en effet existé de tous temps dans les sociétés, parallèlement à l'égoïsme, car cela fait partie des contradictions de l'humanité ...Elle est le ciment essentiel des familles de base ...comme elle l'est aussi dans les quartiers, les bourgades, les villes, les provinces, jusqu'à l'Etat lui-même, avec la multiplication des organismes publics ou privés pratiquant l'assistance aux plus démunis...

   Et pourtant la pauvreté n'a jamais paru aussi profonde que maintenant, alors qu'une crise économique balaie les illusions d'un enrichissement constant ...On voit de plus en plus de gens fouiller dans les poubelles ou les dépôts d'ordures ...On n'a jamais vu autant de monde faire appel aux organismes caritatifs pour y trouver abri, nourriture et réconfort ...et, même dans les services publics, il n'est question que de restriction de crédit, de baisse du pouvoir d'achat ...Et, au niveau international, alors que les Chefs d'Etat avaient décidé en 2000 de réduire la pauvreté dans le monde de moitié avant 2015, on entend désormais le Président du Sénégal s'inquiéter de l'appauvrissement général de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud qui étaient pourtant passés , dans la 2ème moitié du 20ème siècle, du statut de "pays sous-développés" à celui de"pays en voie de développemenrt"...Comme le dit Jacques Ténier (1), "le monde entier court à l'échec ...nous devons chercher à comprendre pourquoi" ...

   Pourquoi ?...La cause est évidente, car le "libéralisme" a manifestement trouvé ses limites : accepté, et même prôné par certains économistes comme le système idéal, tant qu'il a apporté un "progrès" général - même s'il était encore largement inégal - il devient insupportable quand ses excès nés d'une spéculation effénée conduisent à l'appauvrissement d'une majorité d'individus au profit d'une minorité de plus en plus dépensière et arrogante, mettant ainsi en cause l'équilibre des sociétés dans le monde ...avec des "riches de plus en plus riches ...et des pauvres de plus en plus pauvres" ...Déjà des émeutes de la faim éclatent ici ou là ...alors que la population mondiale de cesse de s'accroître de façon exponentielle...

   La tentation est donc grande de passer "d'un extrême à l'autre" , et de se tourner désormais vers "l'étatisme" pour imposer de force des remèdes ...C'est déjà ainsi qu'en 1929 la crise économique avait engendré des pouvoirs "totalitaires" - notamment en Italie et en Allemagne - à l'origine de la 2ème Guerre mondiale 1939-1945... Heureusement, on n'en est pas là - du moins pas encore - car se sont tout de même développées, dans le monde, des "structures publiques" (ONU, UNESCO,...) ou "privées" (ex :ONG...) apportant à plus ou moins grande échelle les secours d'urgence...Mais il n'en est pas moins vrai que la solidarité a elle aussi ses limites...

   Il faut donc en venir à une "synthèse" entre le libéralisme et l'étatisme, c'est-à-dire, en termes simples, entre la "liberté" et la "contrainte"...Il n'est plus possible de tolérer que "dans sa course effrénée, le capital oublie le financement de la solidarité" (1) et il est nécessaire que la notion de "profit" implique désormais de façon égale et indissociable un "aspect économique" et un "aspect social", l'intérêt de la "communauté" ne devant pas être sacrifié à l'intérêt "privé"...Des initiatives existent déjà, comme le "commerce équitable", mais elles restent malheureusement encore trop marginales...

   Finalement, c'est tout le système international qui est en cause ...Et plus que le système lui-même, qui est une "construction matérielle", c'est la "mentalité publique" , autrement dit "l'esprit" lui-même qui doit changer ... Les hommes n'ont d'ailleurs pas le choix ...Il n'y aura pas d'avenir possible, s'il n'y a pas "d'avenir solidaire" ...

(1) Jacques Ténier - "Faire la paix dans les régions du monde" - Ed. L'Harmattan
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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 23:07

   Il fut un temps où les Français avaient seulement des numéros matricules pour le service militaire, et par conséquent cette marque distinctive ne concernait que les hommes, puisque les femmes n'ont  été reconnues comme "citoyennes" qu'en 1944... Une telle marque n'était certes pas un "avantage", car elle fut souvent au cours de deux guerres mondiales  tout ce qui restait de ceux dont on disait à juste titre qu'ils étaient morts au champ d'honneur...

   Depuis lors, l'identification des Français a fait des progrès, à tel point qu'on peut désormais se demander s'il s'agit vraiment d'un progrès... C'en est un ...assurément ...avec l'immatriculation depuis 1946 à la Sécurité Sociale, où le numéro ne fait que juxtaposer des caractéristiques extérieures par une série de 6 nombres : sexe 1 (homme) ou 2 (femme), puis année, mois, numéro département, numéro de commune, le dernier nombre seul étant "personnel" puisqu'il donne le numéro d'ordre sur le registre d'état-civil (seul moyen de distinguer des jumeaux) ...De même, il est utile d'avoir un numéro pour un compte postal ou bancaire, une association, un accès à Internet, etc..., du moins si ces diverses identifications sont comptabilisées séparément ...Mais avec le développement de l'informatique, est apparu rapidement le danger d'un croisement des données, et pour cette raison la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) a été créée en 1974 et a procédé depuis dette date à de nombreux contrôles et observations...

   Il n'en est pas moins vrai que le problème rebondit en ce début du 21ème siècle, car les identifications ne se limitent plus désormais à des caractéristiques "extérieures" de nature "sociale", mais portent ou peuvent porter sur des caractéristiques "intimes" de nature "personnelle", notamment en ce qui concerne le "comportement" des individus et leur "identité biométrique"... Car il y a maintenant un Fichier National des Empreintes Génétiques (autrement dit des ADN...) dont l'importance ne cesse de s'accroître (actuellement 600.000 signalements...) avec des objectifs de moins en moins "utiles", puisqu'on passe des crimes pouvant incontestablement les justifier à des délits mineurs (par exemple tags ou fauchage d'OGM)... Certes les promoteurs de ce fichier peuvent avoir bonne conscience en faisant valoir l'argument de la "sécurité", ...à l'instar des parents qui naguère faisaient boire de l'huile de foie de morue à leurs enfants en leur disant : "C'est pour ton bien !..."

   Malheureusement, ce souci du "bien" peut donner lieu à des dérives d'autant plus inquiétantes que le public s'en accommode : ainsi, il est bon que des radars soient installés sur les autoroutes, afin d'inciter les automobilistes à la prudence et au "respect du code" par une démarche volontaire, mais il sera mauvais de les pièger en utilisant des "puces" installées obligatoirement sur les véhicules pour infliger automatiquement un PV pour excès de vitesse même réduit à la sortie sur la base du temps mis à parcourir la distance... De même on peut s'interroger sur les cartes de "fidèlité" de la Grande Distribution, si celles-ci permettent de situer l'adresse  et les goûts des clients en vue de cibler la publicité et les prix... Et ce ne sera pas nécessairement un bien de porter sur la carte "Vitale" de la Sécurité Sociale des informations sur le dossier médical, ce qui peut attirer la convoitise des compagnies d'assurances et des employeurs peu scrupuleux, si des précautions (lesquelles?) ne sont pas prises...

   Dans ces conditions, on comprend que que le Comité National d'Ethique ait pu lancer un cri d'alarme dans un Rapport du 26 avril 2007, où il souligne le danger d'une "société (qui), au nom d'impératifs sécuritaires, s'habituerait à l'usage des marqueurs biométriques", et où "chacun accepterait finalement d'être fiché, observé, repéré, tracé"... Et on peut légitimement s'inquiéter de ce qu'il adviendrait si, par malheur, des troubles sociaux - suscités, par exemple par la "pauvreté" - engendraient un régime "autoritaire" où les Français ne seraient plus que ...des "numéros matricules"...

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25 janvier 2008 5 25 /01 /janvier /2008 16:46

     "Suivant que vous serez puissant ou misérable,
       les jugements de cour vous rendront blanc ou noir"

                                                      
Jean de la Fontaine
                                           Les animaux malades de la peste
 
    Scandale dans le monde de la Banque et même, par la grâce des médias, dans le Monde "tout court" (façon de parler !)... Un simple courtier de la Société Générale, une des grandes banques françaises, a trouvé le moyen par des spéculations risquées sur le marché financier, de lui faire perdre 5 milliards d'euros... L'affaire n'est pas sans précédent, puisqu'un courtier britannique avait provoqué en 1995 la faillite de la banque Barings pour une perte de "seulement" 1,15 milliard d'euros...Et en France même, il y a eu en 1993 l'affaire du Crédit Lyonnais où le PDG Haberer avait été condamné pour comptes frauduleux, alors qu'il avait surtout servi de ..."bouc émissaire"  pour avoir voulu mettre de l'ordre dans une gestion opaque (*)...

   Cette recherche d'un "bouc émissaire" n'est à vrai-dire pas propre à la banque... Elle est même très courante en France... Ainsi, quand un Collège est incendié - exemples de Pailleron à Paris en 1973 ou de Betton près de Rennes en janvier 2008 - avant même de condamner le "coupable" (si on le trouve...), on met en cause le Chef d'établissement, jugé "responsable", ne serait-ce que s'il n'a pas veillé suffisamment à la sécurité ...en oubliant que le Collège a été construit suivant des "normes" insuffisantes autorisées naguère par un Ministre de l'Education Nationale... De même, dans l'affaire de "sang contaminé" en 1991, il était plus facile de s'en prendre aux médecins de l'Institut Pasteur que de mettre en cause Georgina Dufoix, Ministre de la Santé, qui s'était abritée derrière une formule restée célèbre : "Responsable mais pas coupable"...

   Or, par définition, une "société" humaine vit suivant des "règles", quelles qu'en soit l'origine et la nature : religieuse, philosophique, morale ou simplement juridique... Et une règle essentielle est de "sanctionner la faute", même si, comme chacun sait, "l'erreur est humaine" et si chacun peut en commettre, pas toujours volontairement... Quand la "responsabilité" est clairement établie, la justice applique la loi, celle-ci ayant d'ailleurs évolué au cours des temps, de la simple loi du "talion" (oeil pour oeil...)  à des codes élaborés... Mais la responsabilité n'est pas toujours "évidente" et dans ce cas, même si la justice a tranché, l'opinion ne s'en satisfait pas toujours et exige alors de trouver le "véritable responsable" afin que l'affaire ne se reproduise pas... Bref, il lui faut trouver un ..."bouc émissaire"...

   En fait, la notion de "bouc émissaire" n'est pas nouvelle... Elle est même très ancienne... Il est avéré qu'il y a eu, dès les temps préhistoriques, des individus "sacrifiés aux dieux" pour conjurer les fautes du groupe... Et, une fois de plus, on trouve dans la Bible à la fois la pratique et l'expression, en lisant le Lévitique qui  décrit le rite expiatoire (Yom Kippour) où on prenait deux boucs, l'un étant directement sacrifié, l'autre étant envoyé au désert (caper emissarius ="bouc envoyé ou lâché") avec un rôle bien défini : "Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites...Après en avoir ainsi chargé la tête
du bouc, il l'enverra au désert...et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride..." (XVI-22)...Et, pour le chef, il y avait le sacrifice d'expiation : "Si c'est un chef qui a péché... il offrira en sacrifice un bouc ...sans défaut. Il posera la main sur la tête de bouc, qu'il égorgera..."(IV-22-26)... Quant aux chrétiens, ils présentent Jésus-Christ comme "un agneau immolé", sa crucifixion étant considérée aussi comme un sacrifice expiatoire pour sauver le monde... Malheureusement, c'est encore par un souci d'expiation qu'ils s'en prendront plus tard aux juifs, dont ils feront les ...boucs émissaires des malheurs des temps (guerres, peste, etc...)

   C'est la même "injustice" qui, encore maintenant, prévaut souvent dans la recherche de "boucs émissaires"... Ainsi, dans cette affaire actuelle de la Société Générale, on aurait compris que le PDG Daniel Bouton soit considéré comme le "responsable" de la faute d'un subordonné, pour n'avoir pas su mettre en place un contrôle efficace des spéculations... Et on l'aurait compris d'autant plus que la Société Générale a perdu dans le même temps ...2 milliards d'euros supplémentaires pour des investissements hasardeux dans les crédits immobiliers de type "subprime" des Etats-Unis... Ce PDG a d'ailleurs présenté - non sans courage - sa démission... Mais celle-ci n'a pas été acceptée, le Conseil de la Banque s'étant "contenté" de licencier les "supérieurs hiérarchiques directs" du courtier fautif, autrement dit de trouver des ...boucs émissaires" !... Un tel comportement n'est pas seulement "injuste", ... il défie la morale, car la Société Générale s'est empressée de faire savoir aussitôt que les placements des actionnaires et des épargnants n'étaient pas en danger, que la Banque n'était pas menacée de faillite et que, même si elle avait perdu de l'argent, ses comptes resteraient bénéficiaires, l'affaire lui donnant l'occasion de procéder à une "augmentation de capital" pour effacer l'ardoise... Ce qui signifie en clair qu'en cette période de crise économique plus ou moins larvée la Société Générale, comme les autres banques, avait gagné beaucoup d'argent ces ces dernières années, ayant d'ailleurs été classée en mars 2007 comme la 6ème entreprise du CAC 40 à avoir réalisé des "profits historiques"... Bien entendu, on ne révèle pas l'origine de cet enrichissement, et même s'il est contestable (ex: accroissement du coût de l'essence au dépens du public consommateur...), on n'a évidemment condamné personne suivant un principe simple : quand tout va bien, "tout le monde" y a contribué... C'est seulement quand tout va mal ou quand il y a un problème qu'on recherche "un" ou, à la rigueur , "quelques" responsable(s)...
 
   Finalement, il apparaît donc que c'est la notion même de "responsabilité" qui doit être clarifiée, pour éviter ce recours constant au "bouc émissaire"...... Il est certes normal que chacun assume la responsabilité de ses actes, mais encore faut-il qu'en cas de problème, cette responsabilité corresponde à une faute "personnelle" et non pas à une faute "du service"... Or l'article 1384 du Code Civil prescrit "qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde"... L'application abusive de cet article a longtemps provoqué des affaires graves, notamment pour les chefs d'établissement scolaire, au point qu'il a été corrigé par la Loi du 5 avril 1937 substituant la responsabilité de l'Etat à la leur en matière de responsabilité civile, c'est-à-dire surtout de réparation financière... Mais cette Loi ne les met pas à l'abri de leur responsabilité pénale, c'est-à-dire d'un emprisonnement éventuel et d'une inscription au casier judiciaire, conformément à un arrêt de la Cour de Cassation en 1971 permettant de recourir aux articles 319 et 320 du Code Pénal quand il y a des victimes (décès, blessures...), alors que ce recours devrait être limité aux fautes "personnelles" d'une gravité exceptionnelle (homicide, sévices, attentat aux moeurs...) et ne jamais être étendu aux fautes "du service" faisant d'eux des "boucs émissaires"...

   La disparition de la pratique du "bouc émissaire" passe donc en France par une révision de la Loi permettant d'instaurer la justice là ou règne encore l'injustice...


(*) Jean-Yves Haberer "Cinq ans au Crédit Lyonnais" Editions Ramsay 1999

  

 

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8 janvier 2008 2 08 /01 /janvier /2008 16:59
   Le signe d'une époque... Les médias ont pratiquement passé sous silence le discours prononcé par le Président Sarkozy à Rome le 20 décembre 2007 sue le thème de la "laïcité positive", ...alors qu'ils s'appesantissent à ironiser sur ses affaires sentimentales... Une telle attitude est d'ailleurs paradoxale puisqu'elle s'inspire d'une "morale de convenance" héritée de principes religieux...

   De fait, la religion a toujours profondément marqué la société humaine ...Qu'il s'agisse du paganisme antique, du judaïsme, du christianisme ou des cultes  d'Extrême-Orient, les règles de la société ont été largement pénétrées par les "croyances" et le sont souvent encore... La plupart des pays musulmans ont conservé l'Islam comme religion officielle ...L'Etat d'Israël, officiellement laïc, respecte les traditions juives, notamment le Sabbat ...C'est également le cas, au moins dans les apparences, pour le christianisme, dont les fêtes marquent encore le calendrier (Noël, Pâques, Pentecôte, Toussaint), même si la situation y est plus complexe en raison de l'évolution très diverse des pays "occidentaux" héritiers de la chrétienté médiévale...

   La France est, à ce titre, un bon exemple, car elle a été longtemps marqué par l'influence de l'Eglise chrétienne, le catholicisme ayant été la "religion d'Etat" sous l'Ancien Régime, celle de la "majorité des Français" sous le 1er Empire, puis la religion associée à la monarchie dans "l'Union du trône et de l'autel" sous la Restauration ...
 et conservant ensuite son influence grâce à la célèbre Loi Falloux (1850) qui confiait l'enseignement primaire à l'Eglise... Mais justement la persistance de cette influence, qui s'était déjà traduite par des mesures contre le Clergé lors de la Révolution de 1789, n'avait pas manqué de susciter dans les milieux libéraux un "anticléricalisme " croissant qui, au terme d'une longue lutte, avait abouti à la Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) instaurant la "laïcité"...

   Dans un premier temps, il s'était agi d'une "laïcité active", où l'Eglise était délibérément écartée, notamment dans le système scolaire où les instituteurs ( les "hussards de la République") défendaient les vertus de "l'école laïque", non sans tomber souvent dans le ..."laïcisme", c'est-à-dire une forme d'intolérance. Mais, dans un deuxième temps, surtout à partir du milieu du 20ème siècle - en raison de la solidarité née dans les 2 guerres mondiales et de la "libéralisation" née du Concile Vatican II - un "modus vivendi" s'était progressivement installé avec l'Eglise et plus généralement les cultes, et on pouvait parler de "laïcité apaisée"...

   Le discours du Président Sarkozy  se situe donc dans une évolution qui le conduit à proposer maintenant une "laïcité positive"... Une consultation objective de son texte - en dehors de tout "a-priori" ou "parti-pris" - montre qu'il ne souhaite nullement rendre à l'Eglise un rôle social tel qu'il existait au 19ème siècle... Au contraire, il affirme que "le régime français de laïcité n'est plus contesté par personne " et "qu'il est aujourd'hui une liberté "...Il n'en souligne pas moins que le christianisme "pénètre profondément la société française, sa culture, ses paysages, sa façon de vivre, son architecture, sa littérature ", ce qui est difficilement contestable, même par des agnostiques...Et il juge regrettable que, dans un souci de "neutralité absolue", la religion soit rejetée comme un "danger" alors qu'elle peut être un "atout" ... Ce en quoi il n'innove pas, puisque le Pape Jean-Paul II avait lui-même souhaité ce rôle pour l'Eglise dans une lettre du 5 février 2005, à l'occasion ...du centenaire de la Loi de séparation del'Eglise et de l'Etat, ...ne faisant que prolonger le "dialogue institutionnel" mis en  place par ...le 1er Minitre socialiste Lionel Jospin avec l'Eglise en 2002...

   Mais le propos du Président Sarkozy ne s'arrête manifestement pas à à une reconnaissance de la contribution de l'Eglise à la vie sociale... Au delà des questions matérielles, il s'agit davantage pour lui de "répondre aux questions fondamentales de l'être humain sur le sens de la vie "... Autrement dit, il veut, suivant son expression, "laisser une place à l'espérance ", c'est-à-dire à une recherche de la transcendance, avançant comme argument : "Les facilités matérielles de plus en plus grandes, ...la frénésie de consommation, l'accumulation des biens...soulignent chaque jour davantage l'aspiration profonde des hommes à une dimension qui les dépasse, car moins que jamais elles ne la comblent... La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie des prêtres... n'ont pas rendu les Français plus heureux " ...On est loin de la querelle d'autrefois entre l'instituteur et le curé... Le débat s'élève à celui du choix entre le "matérialisme" et le "spiritualisme", étant entendu que chacun reste libre de le faire dans le cadre d'une "laïcité" qui est et qui aurait dû toujours être la "tolérance" au sens le plus noble du terme...
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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 14:46

   La violence qui s'est manifestée à Villiers-le-Bel et diverses communes du Val-d'Oise les 25 et 26 novembre 2007 a suscité une réprobation générale, et l'opinion a largement approuvé l'action de la police qui a rétabli l'ordre sans tirer un coup de feu ...alors qu'elle en a reçu... Est-ce à dire que la violence est toujours condamnable, et que sa répression est un fondement nécessaire de la vie en société ?... Ce n'est pas si simple...

   La violence est, par définition, "une action consistant à imposer sa volonté par la force, au mépris de la volonté de ceux qui la subissent"... Et elle a malheureusement été toujours exercée, puisqu'elle fait l'objet, depuis la plus haute Antiquité, de prescriptions destinées à la proscrire et à la punir, qu'il s'agisse, entre autres, du Code babylonien d'Hammourabi (vers 2000 av.JC) ou du Décalogue de la Bible (vers 800 av.JC)... Or ces prescriptions sont loin d'avoir toujours été respectées, y compris par leurs auteurs : ainsi, dans la Bible, Dieu dit : "Tu ne tueras point" (Exode 20/13), mais Josué et plus tard David feront la guerre en son nom pour prendre la "Terre promise" aux Cananéens "sans faire de quartier"... Ensuite, malgré l'enseignement de Jésus sur "l'amour du prochain", les chrétiens feront les croisades également en son nom ... Certes, des hommes se sont dressés régulièrement contre cette violence, mais il est symptômatique que beaucoup d'entre eux en ont finalement été victimes, de surcroît de la part de leurs propres concitoyens : Jésus lui-même par les prêtres juifs, ...Martin Luther King aux Etats-Unis, ...Rabin dans l'Etat d'Israël, ...sans oublier évidemment en Inde le Mahatma Gandhi , apôtre de ...la non-violence !... La violence est-elle donc une fatalité ?...

   Il faut reconnaître que la violence a souvent trouvé des défenseurs à travers l'histoire... Il y a d'abord ceux qui la jugent nécessaire pour lutter contre la tyrannie et la persécution : la violence contre la violence, qui peut être justifiée, si on prend l'exemple de la lutte contre Hitler entre 1933 et 1945... Mais il y a aussi ceux qui l'utilisent pour imposer une morale rigoureuse, "en voulant le bien des gens, si besoin est, malgré eux", comme Savonarole voulant créer un Etat théocratique à Florence au 15ème siècle, ...ou encore Robespierre cherchant à imposer le "règne de la vertu" en France en 1794 : tous les deux imposeront la Terreur, c'est-à-dire la violence - pour y parvenir, ...et seront finalement ...exécutés... Il y a plus généralement, à notre époque très "moralisante", ceux qui, à défaut de trouver une "justification" à la violence, veulent en donner une "explication" : ainsi une responsable de psycho-pathologie de l'Hôpital de Bobigny interprète les violences du Val-d'Oise comme "le symptôme d'une immense souffrance sociale"...et, pour elle, "les jeunes expriment de cette façon leur ennui et leur vide de tous les jours" ...et alors "leur comportement auto-destructeur ...d'écoles ou de bibliothèques ...s'expliquerait par le fait qu'ils considèrent celles-ci comme ne servant à rien et ne menant nulle part "... Pour reprendre cette fois l'expression d'un aumônier de l'Hôpital d'Eaubonne, où ont été hébergés les policiers blessés, "ils ont la haine", une haine de ce qui représente l'ordre, un ordre qui les rejette, celui-là même qui est représenté par la police...


   Cette explication, même si elle est sincère, n'en est pas moins difficile à admettre... D'une part, elle est incomplète, car elle oublie l'existence de "réseaux" dans les banlieues, qui sont manipulés souvent par des adultes utilisant les difficultés des jeunes pour se livrer à leurs trafics et protéger leur territoire ...D'autre part, elle est injuste - au sens du manque d'équité - en ne signalant pas qu'un nombre important de jeunes des cités "difficiles" s'en sortent par leur volonté et leur courage, souvent avec l'aide d'initiatives laïques (médiateurs, femmes-relais, professeurs référents, animateurs d'associations sportives et culturelles...) ou d'actions religieuses (chrétiennes ou musulmanes...) : malheureusement ces efforts sont mal connus et peu encouragés, en dehors des périodes de crise attirant de façon "passagère" les journalistes et les hommes politiques...

   Car le problème n'est pas, en l'occurrence,  de s'intéresser seulement à la "conjoncture" - avec le souci prioritaire de "protéger les "honnêtes gens" - mais de s'attaquer aux "structures", c'est-à-dire aux conditions de vie... On peut élaborer un "plan d'urgence" et, dans ce cadre, identifier et mettre sans faiblesse hors d'état de nuire les "casseurs" et ceux qui les aident et les poussent, allant jusqu'à préparer des "parpaings" sur les toits et désormais à leur donner des armes... Mais il faut aussi mener un "plan à long terme" à la fois pour ré-aménager les banlieues en supprimant les tours inhumaines et les cités, qui sont autant de "ghettos" avec des regroupements discriminatoires, ...et pour faciliter l'accès à l'emploi par une politique volontariste favorisant l'installation d'entreprises industrielles, commerciales et culturelles... Même s'il ne faut pas rêver à l'élimination de la violence - qui est dans la nature humaine - au mois on en restreindra les causes ...et donc les effets.



  

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