La langue française est à l'image de la nation française, dont elle constitue un des éléments fédérateurs ...car elle apparaît comme un ensemble homogène, alors que son histoire révèle une origine très diversifiée ...
Il est traditionnel de dire que le Français est une langue "vivante" issue du Latin qui est une langue "morte", et à ce titre elle est classée parmi les langues "romanes" - c'est-à-dire héritière de la langue des Romains - comme l'Italien, l'Espagnol, le Portugais , le Roumain, devenues des langues "nationales" ...et comme les dialectes "régionaux" qui ont persisté au sein de ces nations : le Piémontais, le Sarde, les langues "d'oc" (Provençal, Occitan, Gascon...), les langues "d'oïl" (Picard, Champenois...). Et il est certain que le "fonds" latin est de loin le plus important, puisqu'il a légué notamment au "Français" plus de 80 % de son vocabulaire, soit environ 50.000 mots sur les 60.000 figurant dans les Encyclopédies les plus complètes ...et environ 30.000 mots sur 35.000 cités dans les Dictionnaires usuels ...Car il y a plusieurs niveaux de dénombrement, les Encyclopédies recensant tous les mots - y compris les mots "savants" et ceux tombés en désuétude - et les Dictionnaires se limitant au vocabulaire jugé "courant" ...On a même défini dans les années 1950 un "Français fondamental" d'environ 3200 mots en vue de l'enseignement du Français à l'étranger, afin de faciliter sa diffusion dans le monde : il correspond "grosso modo" (expression latine !) au nombre de mots réellement utilisés par le "locuteur français moyen" ...
Pour autant, le Français comporte un peu moins de 20 % de mots d'origine étrangère, ce qui est tout de même important ...et ceci d'autant plus que leur identification n'est pas toujours claire, le Français ayant toujours été une langue fortement assimilatrice, c'est-à-dire ayant "francisé" beaucoup de mots ... Qui sait, par exemple que "chérubin" vient de l'Hébreu, "pyjama" du Persan, "coche" du Hongrois", et "chocolat" ou "tomate" du Natualt, langue (morte) de l'ancien Empire Aztèque ? ...En contrepartie, il faut reconnaître que les autre pays ont souvent emprunté des mots français, en déformant parfois leur orthographe ou leur sens : les Espagnols appellent "carné" les papiers d'identité ...et les Roumains "galanterie" les sous-vêtements .Mais ce pouvoir d'assimilation a ses limites, car les défenseurs du Français s'indignent quand un chanteur publie dans un "CD" le "best-of" de ses chansons "live", et que tel "show" de "rap" passe en "prime time" à la télévision...
Evidemment, il n'est pas possible de présenter une liste complète des mots "français" d'origine étrangère ...Mais il est intéressant s'en donner divers exemples par un jeu croisé de cette origine et du sujet désigné :
- Suivant l'origine : d'abord il y a les mots antérieurs au Latin - surtout Gaulois ou Celte - comme "char", "charrue", "carrosse" ...non sans rapport avac leur talent alors célèbre de "charron" ...ou encore "chêne", "bouleau", "coudrier" témoignant de l'importance de la forêt à l'époque (les "druides" !) et aussi "braguette", si un clin d'oeil est permis ...Puis en concurrence avec le Latin, il y a eu le "Grec", dont l'utilisation a été plus savante, notamment avec les préfixes comme "hémi", "poly"...ou des suffixes comme "logie", "algie" "thérapie" ...la médecine dans ce domaine en ayant usé et ...abusé ! ...Il y a ensuite, bien sûr, "l'Italien", en raison des rapports fréquents entre la France et l'Italie au cours de l'Histoire, en particulier lors de la Renaissance, avec l'influence exercée sous Catherine et Marie de Médicis ainsi que Mazarin ...Ainsi la "banca" (comptoir) est devenue "banque" et "All'arme" (aux armes!) est devenue "alarme", tandis que "sentire"(prêter l'oreille) a abouti à "sentinelle" ...Et il faut également citer les mots de la "table" (vermicelle, biscotte, scarole...), ceux du "vêtement" (caleçon, pantalon, pantoufle) ...de "l'archirecture" (coupole, balcon), ...de "l'art" (dessin, esquisse, solfège, virtuose) ...du "théâtre " (polichinelle...)...Quant à "l'Espagnol", le Français lui a emprunté sans vergogne le "cacahuète" venu d'Amérique, le "gamba" ou la "paella" ...ainsi que ...la "cédille" (Zédilla, petit z) qui reste indispensable dans certains mots comme "leçon" ...Humour que l'on retrouve dans l'utilisation de "patate" pour désigner de façon populaire la pomme de terre ou un individu borné ...L'origine germanique est plus diversifiée : elle comporte des mots d'origine franque, dont bien sûr le "Français", mais aussi des mots se rapportant comme le Gaulois à la forêt ("hêtre", "osier", aulne", "houx" ...) ...des mots d'origine scandinave, qui se sont répandus à partir de la "Normandie", comme "girouette", "harpon", "hune", "hauban" (emploi fréquent de la consonne "h") ...et enfin des mots d'origine allemande, plus rares en raison d'une phonétique dentale et gutturale plus difficile à assimiler par le Français à prononciation plutôt labiale (lèvres) ...La "douce France" ne se reconnaît pas vraiment dans la raide "Frankreich" et la désignation française de "l'Allemagne" est moins brutale que "Deutschland"...qui a concédé au Français le "cobalt" et le "nickel" mais aussi les "lieder" inspirés par son génie musical...
Néanmoins le principal gisement de mots d'origine étrangère reste "l'Anglais", avec le quart d'entre eux, soit environ 1000 mots ...Invasion relativement récente en raison de sa généralisation comme langue internationale ...au dépens du Français : "clip", "remake", "mailing","parking", "badge", "cutter", "dealer", "lifting", "flash", "week-end", etc ...etc...Juste (?) retour des choses, puisque pendant longtemps l'Anglais a emprunté ses mots au Français, comme "interview" (entrevue), "nurse" (nourrisse), "rosbif" (rôt -i de boeuf) qui ont fait l'aller et retour...
Enfin, il faut citer les apports très minoritaires d'autres langues, souvent liés à la colonisation, comme les langues d'Asie ( le vietnamien "nem" ou le "sari" hindou) et surtout l'arabe, venu notamment de l'Afrique du Nord en raison de l'importance de l'immigration , d'où son caractère populaire : "bled", "maboul", "toubib", "smala", "gourbi", etc ...
- Suivant les sujets : dans le théâtre, "guignol" qui vient des marionnettes de l'Italie, où il désignait un personnage ridicule ... Dans la vie sociale, "panique" venant du dieu grec "Pan" qui inspirait la crainte en raison de la brutalité de ses désirs sexuels ...Pour la nourriture, la "sardine" vient de Sardaigne et "l'abricot" de la Turquie ...Pour les vêtements, l"'astrakan" vient de l'embouchure de la Volga en Russie ...et la "cravate" des ...Croates, dont la bande de linge fin autour du cou fit fureur en France au 19ème siècle, se substituant alors au collet plissé trop encombrant ...Pour les loisirs, la "mazurka" est venu de Pologne ...et la "java" - on ne sait trop pourquoi - de l'ïle de l'Indonésie ...Quant à "l'orgue de Barbarie", il n'est pas venu de peuples incultes , ...mais du nom de son inventeur italien de Modène, Giacomo Barberi ... Pour les transports, les mots viennent souvent des noms de lieux, comme "berline" (Berlin), et les unités de mesure des noms de savants comme "Watt", "Volt ", "Ohm" ...et comme il faut de tout pour faire un monde, on ne peut ignorer que la "vespasienne" vient du nom de l'empereur Vespasien, comme la "poubelle " est venu de celui d'un Préfet de Police de Paris à la fin du 19ème siècle ...
Et tout cela fait du "bon français", à la base de l'identité nationale de la France ...qu'on le veuille ou non ...et sauf erreur ..."Errare humanum est", si on revient à son origine ...
Bibliographie :
- Gilles Henry - Dictionnaire des mots qui ont une histoire - Ed. Tallandier 1989
- Henriette Walter - L'aventure des mots français venus d'ailleurs - Ed. Robert Laffont 1997