Bien au delà de la mauvaise querelle faite actuellement par des musulmans extrêmistes au Pape Benoît XVI, on assiste à une nouvelle résurgence des conflits séculaires ayant opposé à travers l'histoire les 3 religions monothéistes : judaïsme, christianisme et islamisme...
Il faut d'abord s'interroger sur le fondement même du monothéisme, qui relève de l'histoire des religions. Au plus profond des âges, il y a eu une croyance plus intuitive que raisonnée à une "Puissance supérieure", qui se traduisait par des rites magiques envers des animaux, des arbres, des éléments naturels ...et les astres, qui constituaient l'environnement de la vie... Et puis une forme plus élaborée est apparue avec les religions, notamment la religion égyptienne. On a pu dire que ces religions étaient "polythéistes" parce qu'elles comportaient l'adoration de "dieux divers", mais cette diversité n'empêchait la prédominance d'un Dieu "suprême", comme Amon-Ra en Egypte... C'est d'ailleurs parce qu'il voulait réduire la puissance excessive des prêtres d'Amon qu'Aménophis IV lui substitua le culte solaire d'Aton, dont il s'était attribué la représentation sur terre sous le nom d'Akhénaton : d'où la thèse simpliste qi'il aurait été le fondateur du "monothéisme"... L'affirmation biblique que Moïse - s'il a existé - est sorti d'Egypte (justement...) en fondant le monothéisme autour d'un Dieu unique - Yaveh - est donc sujette à caution... En fait, les Hébreux se sont surtout singularisés parce qu'ils adoraient un Dieu "sans image", ce qui d'ailleurs les faisaient traiter "d'athées" par les Egyptiens qui ne concevaient pas de "dieux" sans représentations... Mais au temps de Moïse (13ème siècle av JC) et longtemps encore après , leur Dieu Yaveh n'était pas un Dieu "universel", mais seulement le Dieu du peuple hébreu, comme Baal était celui des Phéniciens et Mardouk celui des Babyloniens... Les Hébreux n'étaient donc que le "peuple élu" de son propre Dieu, et eux-mêmes reconnaissaient qu'il y en avait d'autres, "Yaveh étant seulement le plus puissant parmi les dieux" (Exode 15-11/12)... Et l'histoire biblique est le long récit des victoires remportées grâce à la fidèlité à Yaveh... et des humiliations subies parce qu'ils n'avaient rempli leurs devoirs envers lui... Survient l'occupation babylonienne, l'exil... et le retour autorisé par l'empereur perse Cyrus (537 av.JC) : celui-ci est alors considéré comme un "Messie" (c'est-à-dire "oint du Seigneur") par les Hébreux qui en arrivent à l'idée que leur Dieu est le même que les autres Dieux nationaux : d'ou la notion d'un seul Dieu pour le monde... Le problème fut seulement que les Hébreux devenus les Juifs au temps des Romains continuèrent à se considérer comme le "peuple élu" , d'où la discrimination à leur égard...
Alors, dans la Palestine occupée par les Romains, où les Juifs attendent un "libérateur" rétablissant leur royaume, et où le "messianisme" est alors très actif,...survient Jésus qui, après d'autres et avant d'autres, est considéré comme le "Messie" attendu... Mais il proclame que "son royaume n'est pas de ce monde" et parle de Dieu comme étant son "Père", ce qui est un blasphème intolérable pour les Prêtres du Temple qui le livrent aux Romains... Après l'annonce historiquement invérifiable de sa "Résurrection", une secte judéo-chrétienne se constitue parallèlement aux sectes déjà existantes des Esséniens et des Baptistes... Et avec Paul, le christianisme naissant se diffuse auprès des "Gentils" (non-juifs) qui ne reconnaissent plus les Juifs comme le peuple élu devenu celui des chrétiens, et il se développe au point de devenir au 4ème siècle avec Constantin la religion officielle de l'Empire. Mais ce succès engendre l'intolérance, à la fois contre les vieilles pratiques païennes et contre les Juifs, victimes pour longtemps de l'antisémitisme...
Arrive au 7ème siècle la prédication de Mahomet qui, dans l'Arabie alors influencée par les Juifs et le christianisme oriental, a la révélation d'Allah, Dieu unique dont il est l'ultime prophète, après Moïse ...et Jésus. Son nouveau culte a l'avantage d'être simple, à la différence du christianisme, avec sa "Trinité" - peu compréhensible pour des gens simples et ayant déjà suscité des hérésies - et sa multitude "d'anges " et de "saints"... Certes l'Islam croit aussi aux anges ( le Coran est révélé par Gabriel...) et aux "génies" (Djinns)... tant il est vrai que le monothéisme a toujours conservé des traces de polythéisme, comme autrefois le polythéisme secrétait du monothéisme... Mais il ne s'en répand pas moins de façon foudroyante auprès des populations conquises, donnant naissance à un "âge d'or" dont la civilisation (Ispahan, Kairouan, Cordoue...) surpasse alors celle de "l'Occident"... Hélas, avec l'arrivée des Turcs, partisans d'un islamisme radical, à partir du 11ème siècle, l'intolérance l'emporte, et le monde musulman se fige dans une certaine arrièration économique et sociale...
Arrive l'époque contemporaine... Les progrès de l'Occident et son impérialisme planétaire placent les musulmans dans une situation d'infériorité, non seulement vis-à-vis des "Chrétiens", mais aussi des Juifs, surtout après la création d'un Etat d'Israël sur un territoire certes occupé autrefois par les Hébreux, mais où ils habitaient en majorité depuis des siècles... Dès lors, l'intolérance n'est plus seulement celle d'un fondamentalisme toujours renaissant des 3 religions "monothéistes", mais également un "choc de société", où interviennent des considérations politiques et économiques... L'extrêmisme de l'Islam - qui n'a pas été, il faut en convenir, sa particularité exclusive , n'est pas né de rien... Et manifestement, il ne pourra disparaître que dans un monde plus juste... Ce n'est pas demain la veille...
Sources : Encyclopédie des Religions Ed. France-Loisirs 2002
Jean Soler L'invention du monothéisme Ed De Fallois 2002
Ch.Desroches-Noblecourt Le fabuleux héritage de l'Egypte Ed.SW Télémaque 2004